• Enrage contre la mort de la lumière ≡ Futhi Ntshingila

    enrage contre la mort de la lumière éditions tropismes

    Enrage contre la mort de la lumière

    Futhi Ntshingila

    Tropismes éditions

    2021

    Avertissement : violences sexuelles

    Enrage contre la mort de la lumière de Futhi Ntshingila est un roman fulgurant, violent, politique, à la fois très sombre et très lumineux. Car les femmes, mises au centre de l’intrigue, brûlent d’un feu intérieur face au sort qui s’acharne. Un roman que j’ai terminé d’une traite, publié par une maison d’édition indépendante qui privilégie les auteurs et autrices de pays habituellement peu représentés et traduits en France.

    « Nous, les oubliés, nous savons que le jour des ordures, c’est le lundi1. »

    Mvelo, âgée de 14 ans, vit avec sa mère Zola dans un immense bidonville près de Durban en Afrique du Sud. Chaque jour, elles doivent lutter pour survivre. Pour se nourrir, elles font les poubelles des riches. Mais bientôt, Zola tombe malade, et voit les aides de l’Etat supprimées. Mvelo doit se débrouiller pour subvenir à leurs besoins.

    « Leur premier hiver dans le bidonville fut terrible. Elles survécurent à trois incendies hors de contrôle, provoqués par les poêles à mazout de voisins qui s’étaient renversés. Zola et Mvelo furent épargnées, car leur cahute était située juste à côté de la route. Ceux qui vivaient au centre du bidonville devaient toujours tout recommencer, avec rien d’autre que la tôle ondulée rescapée du feu2. »

    À travers ce récit foisonnant, riche en rebondissements, composé de chapitres courts et claquants, on découvre l’histoire de plusieurs générations : la jeune Mvelo, Zola, son compagnon Sipho, Nonceba qui milite pour la reconquête de l’amour-propre et de la fierté des Noir·es. 

    « Tu descends d’une longue lignée d’un peuple fier, mais au lieu de cela, tu as choisi un faux accent et une existence déracinée. Tu emploies un langage parsemé de putain par-ci, par-là. Vous croyez que c’est cool de vous traiter les uns les autres de “nigga” à tout bout de champ. Sais-tu seulement la souffrance qui pulse au fond de cette langue hybride que tu as adoptée et revendiquée pour tienne3 ? »

    Ce qui nous est raconté est très dur : violences sexuelles, ravages du VIH, abus de pouvoir dans les institutions religieuses, harcèlement, pauvreté, toxicomanie, racisme, classisme, violences structurelles, post-colonialisme, mort. 

    « La plupart des filles dans les taudis étaient abîmées par le viol. Ces jeunes filles avaient le poids du monde sur les épaules. Comment dire à leurs mères que c’étaient des gens en qui elles avaient confiance, des membres ou amis de la famille, leurs “oncles”, les amants de leur mère, qui abusaient d’elles4 ? »

    « Mvelo, tu es née pour chanter5. »

    Mais, au bout de ces sombres chemins, Futhi Ntshingila nous apporte une grande lumière, un grand espoir qui vibrent dans la voix envoûtante de Mvelo. Car les femmes, au centre d’intrigues finement entremêlées, sont de véritables combattantes, en quête d’émancipation, d’égalité avec les hommes, de justice, de bonheur. Pleines de témérité, de détermination, de courage quand le sort s’acharne, elles s’allient et se font complices.

    « Elle était heureuse de le voir et le lui faisait savoir, mais elle refusait de lui donner à nouveau une place dans sa vie en tant que soutien ou sauveur. Elle n’avait plus besoin de sa protection. La vie dans les taudis lui avait appris à s’endurcir, à survivre seule et à subvenir aux besoins de sa fille6. »

    Mon avis

    Enrage contre la mort de la lumière est un roman à la fois très sombre et très lumineux. Au départ, j’ai été gênée par la manière de raconter : les sentiments comme l’amour, l’amitié, la douleur, le manque, sont explicités très clairement, ils ne sont pas décrits par des attitudes, des regards, des actions. Mais, passé ce premier étonnement, j’ai été happée par l’histoire, si bien que j’ai dévoré la seconde moitié du livre en une après-midi.

    J’ai découvert les éditions indépendantes Tropismes (anciennement Belleville éditions) grâce à un concours organisé sur Instagram par InstaKube J’ai gagné 9 ouvrages de cette maison d’édition qui se fait le relais d’auteurs et d’autrices de pays habituellement peu traduits et représentés en France, ce qui me paraît essentiel vu l’écrasante majorité de traductions anglaises et états-uniennes. Voilà une autrice et une maison d’édition à suivre !

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    1. Page 14. -2. Page 82. -3. Page 90. -4. Page 101. -5. Page 37. -6. Page 123.

     

     

    Enrage contre la mort de la lumière

    Futhi Ntshingila

    Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Estelle Flory

    Illustration de couverture d’Agrippa M Hlophe

    Tropismes éditions

    2021

    208 pages

    19 euros

    (également disponible en poche)

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 9 Novembre 2023 à 16:09

    Tu as raison, nous sommes envie de traduction anglo-saxonne, au détriment d'autres litteratures.

      • Vendredi 24 Novembre 2023 à 11:47

        Coucou ! Totalement, c'est vraiment dommage, il y aurait beaucoup de choses à découvrir ici et là :)

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