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    Les Mains dans la terre

    Cathy Ytak

    Éditions Le Muscadier

    2016

    Merci Babelio pour cette opération Masse critique !

    Dans cette nouvelle destinée essentiellement aux adolescents, Mathias écrit une lettre à ses parents dans laquelle il explique sa décision d’arrêter les études qu’ils lui ont choisi, quitte à les décevoir. Publiée par les éditions du Muscadier que j’adore, le texte de Cathy Ytak porte un message fort de liberté, de déconditionnement, de sobriété et d’antimatérialisme. Un livre que je ne manquerai pas d’offrir autour de moi lorsque l’occasion se présentera.

    « On ne prend jamais possession de la terre, on ne peut que l’apprivoiser, partiellement1… »

    Mathias, vingt ans, écrit une longue lettre à ses parents dans laquelle il explique sa décision d’arrêter ses études qu’ils lui ont choisi et de partir, quitte à les décevoir.

    Il explique son cheminement, avec pour point de départ un séjour au Brésil, avec ses parents, dans un hôtel de luxe implanté en bordure d’une ville très pauvre sans eau courante ni électricité. À partir du moment où il se détourne de ce tourisme détestable, Mathias prend conscience que ses parents ont tracé pour lui une voie qui ne lui convient pas.

    Non, il ne veut pas reprendre l’entreprise de son père ; non, il ne veut pas étudier la finance et amasser de l’argent pour amasser des biens matériels dont il se fiche. Non, il ne cèdera pas à la pression sociale, même s’il sait qu’il décevra ses parents.

    « On me trouve mauvaise mine et on me presse de questions : déjà la vingtaine et toujours pas de petite amie en vue ? Non, pas de petit ami en vue. Les homophonies de la langue française sont parfois bien utiles2. »

    Voilà une nouvelle qui m’a convaincue, d’abord par les valeurs fortes qu’elle porte, à savoir la sobriété, la décroissance et l’antimatérialisme. Elle fait écho à mes lectures sur les alternatives, la multiplicité des possibles hors de la croissance économique, loin d’idéologie de l’argent et du travail.

    Par ailleurs, le récit de Mathias est emblématique, il a une valeur d’illustration très forte de l’écart culturel et politique, parfois insurmontable, entre deux mondes : celui des parents et de l’enfant. La société produit certainement de nombreux Mathias, qui sont parvenus à s’affranchir des codes ou qui sont restés coincés et malheureux dans le modèle de vie normé. Cette histoire m’a touchée, tout simplement parce qu’elle raisonne intimement en moi, chaque jour.

    Je pense que cette nouvelle n’est pas moraliste et qu’elle s’adresse aux adolescents en tant que jeunes personnes : l’enfant devenu adulte mène sa vie comme il l’entend, il se « déconditionne » de ce que la société et ses parents lui ont inculqué, et ces derniers peuvent accueillir avec amour et tolérance ses choix. Cathy Ytak (joli jeu) ne parle pas du difficile chemin des retrouvailles entre ces deux mondes qui ne se côtoient pas, mais je me doute que Mathias, s’il sait qu’il perdra peut-être la reconnaissance et l’amour de ses parents, aura gagné sa propre estime, sa propre liberté. C’est au fond ce qui compte le plus, non ?

    À mon avis, Les Mains dans la terre s’adresse avec justesse aux adolescents : il fournit un point de départ de réflexion sur le sens de la vie, il peut aider à mettre les mots sur un malaise, désamorcer une situation familiale compliquée. Je ne doute pas que cette lecture puisse marquer la vie d’une jeune personne comme la lecture de La Désobéissance d’Alberto Moravia a marqué mon adolescence.

    Je suis avec grand intérêt les publications des éditions du Muscadier qui, au-delà d’une collection ado de grande qualité, proposent toute une série de livres d’essais et de débats sociétaux dont je vous parle depuis plusieurs années déjà. Je ne peux que chaleureusement recommander le remarquable catalogue de cet éditeur !

    Lisez aussi

    Chroniques de la zone libre. Des zad au maquis, fragments de l'imaginaire autonome, Cosma Salé

    Va et poste une sentinelle, Harper Lee

    La Désobéissance, Alberto Moravia

    Dysfonctionnelle, Axl Cendres

    Sur le dos de la main gauche, Anahita Ettehadi

    Constellations. Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle, collectif Mauvaise Troupe

    Zone 2, Mary Aulnes

    Entre taule et terre, Sarah Dindo

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    Les Mains dans la terre
    Cathy Ytak
    Éditions Le Muscadier
    Collection Rester vivant
    2016
    60 pages
    8,50 euros

    1. Page 48. -2. Page 36.

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 2 Décembre 2016 à 19:41
    Praline

    Très intéressant parti pris en effet. J'avais déjà repéré quelques titres d'essais de cette édition, j'ignorais qu'il y avait des romans ados. Et à propos de déconditionnement, je m'interroge. Qu'est-ce qui permet de remettre en question les modèles ? Comment ça peut marcher en France, en Europe de ne pas mettre le travail et l'argent au centre de nos vies ?

      • Lundi 5 Décembre 2016 à 19:52

        Ouh vaste question ! Je n'ai pas la réponse, mais un bon début peut être la décroissance, la sobriété énergique et consommatrice.

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