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    Lovesong

    Alex Miller

    Éditions Phébus

    2012

    Opération Masse critique de Babelio

    « L’amour n’est jamais simple1 » 

    « John Patterner ! […] L’homme que j’ai épousé et avec lequel j’ai passé toutes ces années vides et vaines dans ce café ridicule de la rue des Esclaves. Tout m’a l’air si stupide rétrospectivement ! Quelle existence petite et sordide nous menions dans notre ghetto ! Que notre vie était futile ! Nous remplissions nos journées de néant. À présent regarde-nous ! Nous avons toujours été étrangers l’un à l’autre. C’est seulement maintenant que nous commençons, enfin, à voir combien cela est vrai2. »

    Tout est écrit : Sabiha, une Tunisienne, a épousé l’Australien John avec lequel elle tient un restaurant à Paris. Leur vie est aussi routinière et pauvre que l’intrigue de ce roman. Ensemble, ils gèrent leur établissement qui accueille principalement les ouvriers tunisiens du quartier Montparnasse. Tandis qu’elle cuisine, John fait le service et s’occupe des diverses tâches d’entretien. Le samedi soir, Sabiha reprend les chants envoûtants de son pays, accompagnée de l’oud de son ami Néjid.

    « Nous allons avoir une vie extraordinaire3 »

    Ils auraient été heureux mais seul hic, ils ne parviennent pas à avoir d’enfant. Les années passent, au fil de pages fort ennuyantes, pendant lesquelles Sabiha fait de ce manque une obsession. Puisque le lecteur sait d’emblée qu’ils finissent par avoir un enfant – aucun spoil – le seul suspense est : comment ont-il fait ? La palette de choix est restreinte et inintéressante.

    Le narrateur, témoin indirect de la vie de ce couple mortel, prouve la pauvreté de l’intrigue en ne racontant que les journées où l’action se passe. Malgré tout, la lassitude est inévitable ; les actions sont plates, mal amenées, trop précipitées ou décrites, au contraire, trop en longueur quand ce n’est pas nécessaire.

    S’il n’y avait que l’ennuyante obsession de Sabiha, le roman aurait pu tenir sur la longueur. Or, on souffre aussi de lire des dialogues stéréotypés et mièvres, prononcés par des personnages non moins stéréotypés et mièvres, du type : « Je vous connais depuis toujours4 » ou « Il avait toujours été “chéri”, “mon chéri”, “mon amour”, “mon Hercule”. “Mon héros”. Même “mon adorable Australien5”. »

    C’est tout à fait splendide ! Ici, la femme maghrébine charme, voire bouleverse, les Parisiens catholiques, telle une créature exotique venue d’une Tunisie mystérieuse. Ici, les personnages sont foncièrement bons, honnêtes, et guidés par la conquête de leur dignité. Ici, les femmes maîtrisent l’art culinaire comme atout indispensable pour garder un homme fidèle, tandis que les hommes, les vrais, sont forcément viriles.

    « Il semblait être un homme de confiance, un homme calme, sans ambition dévorante, un homme qui pourrait devenir bon mari et bon père. Un homme, en d’autres termes, qui attendait une femme et des enfants pour se sentir complet. Et n’était-il pas aussi fort, en bonne santé et pas trop beau ? Un homme comme ça, pas particulièrement gâté par la nature, serait fidèle6. »

    Les hommes et les femmes sont bien à leur place, tout est dans l’ordre des choses, n’est-ce pas ?

    « Elle le vit se retourner pour fermer la porte sans bruit, comme s’il craignait de réveiller la maisonnée. Il avait un petit sac à dos kaki à l’épaule. La pièce de cuir sur la manche de sa veste n’avait pas été recousue. On pouvait donc en conclure qu’il n’avait pas de femme pour s’occuper de lui7. »

    En bref, c’est un ramassis de mièvreries digne d’un Marc Lévy exotique. À plus forte raison, Alex Miller possède la même qualité que Marc Lévy : décrire scrupuleusement le quotidien, sans originalité ni intérêt pour le lecteur. En voici concrètement la preuve :

    « Il s’habilla, tira le rideau et se mit à la fenêtre. Les nuages de l’aube étaient encore roses. Les clients de l’épicerie des frères Kavi au coin avaient déjà commencé leurs allées et venues. La vie suivait son cours. Il ramassa son bol et descendit à la cuisine le poser dans l’évier. Puis il alla à la salle à manger. Il ramassa le courrier sur le plancher, ouvrit la porte de la rue et regarda de chaque côté. André rentrait déjà de promenade avec Tolstoï : le grand chien à longs poils hirsutes courait en bondissant à ses côtés, comme au ralenti, les yeux gris fixés sur les exploits sanguinaires de ses ancêtres éventreurs de loups, dans les steppes glaciales de Sibérie. John adressa un signe de main à son propriétaire et rentra en refermant la porte derrière lui. Il posa le courrier sur la planche de travail à la cuisine, puis il se rendit à la salle de bains où il enleva sa chemise. Pendant son rasage, il entendait la voix des ouvriers de la blanchisserie en bas de l’allée8. »

    Mon avis

    Ce texte, digne de Marc Lévy, se voulait être un roman de contemplation, sculptant les personnages, leur caractère, leurs souffrances et leurs peurs. Le résultat est médiocre. Il y a des ratés chez tous les éditeurs, même chez les éditions Phébus qui publient par ailleurs des textes de très bonne qualité.

     

    1. Page 17. -2. Page 191. -3. Page 65. -4. Page 60. -5. Page 108. -6. Page 53. -7. Idem. -8. Page 147.

     

    Lovesong

    (titre original)

    Traduit de l’anglais (Australie) par Françoise Pertat

    Alex Miller

    Éditions Phébus

    Collection Littérature étrangère

    Mai 2012

    288 pages

    21 €

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 15 Juin 2012 à 13:56
    Reka
    Eh ben, ça ne donne pas envie :)
    Et pour mettre 1 (sur SC), ça devait être effroyablement nul. Même moi qui suis archi difficile, je mets rarement 1 :p
    Je passe mon tour, mon portefeuille te dit merci !
    2
    Vendredi 15 Juin 2012 à 14:44
    Lybertaire

    J'ai aussi évoqué de très bons livres, pour lesquels ton portefeuille sera content de s'alléger ;)

    3
    Mercredi 20 Juin 2012 à 20:00
    Sharon
    Je passe, je passe...
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