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Révolution amoureuse ≡ Coral Herrera Gómez
Révolution amoureuse. Pour en finir avec le mythe de l’amour romantique
Coral Herrera Gómez
Traduit de l’espagnol par Sophie Hofnung
Binge audio éditions
2021
Qui d’entre nous n’a pas connu des relations douloureuses, voire toxiques ? Coral Herrera Gómez, enseignante-chercheuse espagnole, nous invite à nous libérer de l’amour romantique hétérosexuel, fondé sur des valeurs patriarcales et capitalistes, et à nous affranchir des stéréotypes de genre pour réinventer notre rapport à l’amour, fonder des relations saines et construire collectivement un monde bienveillant, sans hiérarchie, sans oppression et sans lutte de pouvoir. Un petit ouvrage qui a eu un certain écho en moi, à mettre absolument entre les mains de nos ami·es blessé·es par l’amour romantique.
« La vérité est que les hommes ont un sérieux problème avec leur masculinité. Plus elle est fragile, plus ils sont violents. Plus ils souffrent d’insécurité, plus ils se sentent attaqués par toutes les avancées de la lutte féministe1. »
Dans les contes de fée et les comédies romantiques, les femmes sont vouées à chercher le prince charmant, présenté comme l’amour idéal absolu, et à souffrir par amour. Les publicités et les médias sociaux nous poussent sans cesse à souffrir pour être belles, à perfectionner notre corps, notre image de soi, pour atteindre un idéal de beauté (quitte à devenir complexées) et espérer être l’heureuse élue de notre « crush ».
Coral Herrera Gómez explique que la culture romantique est fondée sur les valeurs patriarcales : les relations hétérosexuelles, qui sont la norme, sont fondées sur un rapport de domination et sur une guerre de pouvoir entre les deux partenaires. Des deux côtés, les hommes et les femmes (en tant que catégorie sociale) performent leur genre. Les hommes pris en étau dans une masculinité malsaine sont dès le plus jeune âge mutilés dans l’expression de leurs sentiments (un garçon, ça ne pleure pas, mais il peut exprimer librement sa colère !) et jugés à l’aune du nombre de conquêtes féminines. De l’autre, les femmes perçoivent l’amour romantique comme un élément central de leur vie, au détriment de leur propre bien-être, de leur identité, de leur autonomie et de toutes les autres formes d’amour perçues comme secondaires. Dès lors, comment construire une relation saine et épanouissante ?
La culture romantique est aussi fondée sur des valeurs capitalistes : le sentiment de possession et de propriété privée nous condamne à vivre des relations à deux au sein de l’union monogame et cloisonnée du mariage. L’amour romantique devient alors un instrument d’oppression et de contrôle social des femmes, ce que démontre Françoise Héritier dans Masculin/Féminin. Cette culture romantique patriarcale isole les femmes entre elles, puisque les autres sont perçues comme des concurrentes dans la recherche et la conquête du partenaire idéal.
« Nous devons bien choisir les compagnons avec lesquels nous voulons partager un bout de notre vie : nous avons besoin d’hommes libres qui ne nous traitent pas en ennemies, qui peuvent jouir de l’amour sans crainte, qui peuvent se mettre à nu et être dans le partage2. »
Coral Herrera Gómez nous invite dans un premier temps à démythifier cet amour idéal et à repérer les signes d’une personne ou d’une relation toxique et énergivore. Abandonnons les dons Juans à leur sort, cherchons plutôt des partenaires qui ont commencé à transgresser la masculinité stéréotypée !
Pour reconnaître une relation malsaine, vous pouvez utiliser le violentomètre élaboré par la Mairie de Paris, l’Observatoire de la Seine-Saint-Denis des violences faites aux femmes et l’association En Avant Toute(s).
Mais il s’agit aussi de voir l’amour au sens large comme une manière de se connecter au monde. Dans la vie, il n’y a pas que l’amour sexo-affectif : l’amour est partout ! Dans nos amitiés, dans notre famille, dans nos réseaux militants, avec nos voisins et voisines. En mettant de côté l’amour romantique absolu, on fait de la place dans nos vies pour la « famille choisie », pour créer un espace de soutien et de solidarité, pour élaborer ensemble des stratégies et des actions de lutte contre les oppressions et pour le bien commun. On fait de la place pour des relations désintéressées, fondées sur l’honnêteté, l’affection, l’empathie, la générosité, le compagnonnage, la joie de vivre, le plaisir et le partage.
« Bien s’aimer soi-même est une question politique : c’est la première rébellion féministe contre le système patriarcal, qui nous veut en guerre contre nous-mêmes3. »
Surtout, l’autrice nous invite à faire un travail pour s’aimer soi-même, pour se faire du bien, se porter conseil, prendre les décisions qui nous font du bien et arrêter de gaspiller notre énergie dans des choses inutiles. L’amour qu’on se porte à soi-même est la base de notre relation au monde ; en fin de compte, nous sommes la première personne avec qui nous vivons toute notre vie.
S’aimer soi-même se traduit de plusieurs manières : on peut choisir de ne pas se mettre en couple ; on peut essayer de s’entourer de personnes qui nous aiment vraiment, qui nous veulent du bien, et tenir à distance celles qui nous détruisent ; on peut choisir de se séparer de notre partenaire sans se déchirer et se haïr, mais avec autant d’amour, de respect et de bienveillance qu’au début de la relation.
Révolution amoureuse, parce que même l’amour est politique
La lecture de cet ouvrage a un certain écho en moi. Tout ce qu’écrit Coral Herrera Gómez relève à mes yeux du bon sens. J’ai noué au cours de ma vie des relations saines et durables, fondées sur le respect, la communication, la complicité et la confiance. Je suis plutôt attirée par les personnes qui ont pris du recul avec les stéréotypes de genre, qui se voient comme mes égales et qui ne cherchent pas à me dominer ; en fait, je ne me sens pas attirée ou séduite par une personne qui m’intimide ou qui pourrait me faire souffrir, et je fuis les relations asymétriques. Pour le dire autrement, le sentiment amoureux ne naît pas en moi si les conditions d’une relation saine ne sont pas réunies.
J’ai mis un terme à une très belle relation qui a duré 11 ans : j’ai laissé partir l’homme qui a partagé toute ma vingtaine parce qu’il ne pouvait plus me rendre heureuse et que je ne pouvais plus le rendre heureux. Mon sentiment amoureux s’est progressivement éteint dès l’instant où il n’était plus partagé avec l’être aimé. La séparation a été douloureuse, mais la souffrance ne dure qu’un temps. Je l’ai laissé partir parce qu’il était amoureux d’une autre femme, avec qui il semble heureux à présent. Et grand bien m’a pris, car cela m’a permis de rencontrer un autre homme tout aussi aimant, bienveillant et respectueux (et avec plein d’autres qualités !).
Cet ouvrage me semble utile pour nombre de femmes de mon entourage qui s’enlisent dans des relations toxiques, qui donnent trop d’énergie physique et mentale pour tenter de faire durer une relation qui les détruit, qui continuent à pleurer la fin d’une relation toxique, des mois ou des années plus tard. Si j’en connais quelques-unes dans cette situation, alors nous en connaissons tous et toutes : il fallait donc que j’écrive une chronique de Révolution amoureuse !
C’est aussi notre histoire familiale, notre entourage et notre milieu social qui agissent sur la manière dont nous percevons et vivons l’amour. On peut regretter que l’autrice parle assez peu des incidences de la classe sociale et des conditions matérielles sur nos relations. Quand on vit en couple et qu’on partage la même chambre, on peut payer un loyer moins cher, mais on s’expose à une promiscuité permanente. Quand on a une situation financière et professionnelle précaire, on réfléchit à deux fois avant de quitter un conjoint violent. On ne peut pas faire abstraction des conditions de vie que nous imposent la pauvreté, le handicap, le racisme lorsqu’on envisage nos relations aux autres.
Mais la force de cet ouvrage, c’est de sortir l’amour de la sphère privée. Tout est politique, y compris l’amour. Cet ouvrage ne relève donc pas du développement personnel : il invite à mettre en pratique le féminisme dans l’ensemble de nos relations, dans le but de changer notre mode d’organisation, de lutter contre les hiérarchies et les rapports de domination. La révolution amoureuse est tout autant personnelle que collective. Faisons passer le mot !
Merci à Sarah de m’avoir prêté ce petit ouvrage salutaire, et merci aux éditions Binge de l’avoir traduit et publié.
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1. Page 72. -2. Page 46. -3. Page 78.
Révolution amoureuse. Pour en finir avec le mythe de l’amour romantique
Coral Herrera Gómez
Traduit de l’espagnol par Sophie Hofnung
Binge audio éditions
2021
160 pages
17 euros
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Tags : Carol Herrera Gomez, livre féministe, livre amour, patriarcat, capitalisme, machisme, sexisme, Victoire Tuaillon, violentomètre
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Commentaires
Je vais éviter d'acheter ce livre bientôt, même s'il a l'air passionnant, car, je cite, j'ai une "obsession" sur ce sujet.
J'ai décidé d'être seule et de ne pas être en couple avec un homme pour des raisons féministes. Et puis, tu as raison, en tant que femme précaire et fragile, je serais sûrement dépendante de la personne...
En tout cas, on ne me croit pas quand je dis que je veux rester célibataire, c'est dire l'emprise que ce mode de vie a dans l'imaginaire de chacun...
Pourtant, il vaut mieux être seule que mal accompagnée ! Je note ce livre, même s'il ne sera pas dans mes prochains achats.
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Mardi 4 Octobre 2022 à 14:28
Coucou Ada ! Merci pour ta visite !! Oooh oui, ce n'est pas évident tous les jours de vivre certains de nos choix. Et, effectivement, il y a plein de choses aussi belles et moins compliquées que les relations amoureuses dans la vie ! Ça me met en colère quand je vois autour de moi l'énergie et le temps dépensés pour des relations qui mènent à la souffrance.
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Vaste sujet qui, tu as raison, mérite de sortir de la sphère intime.
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Mardi 4 Octobre 2022 à 14:30
Totalement, parlons-en autour de nous ! L'amitié féminine est d'ailleurs l'un des prochains sujets que j'aborderai sur Bibliolingus ;)
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Oooh merci à toi de me l'avoir prêté <3