• Rire dans la nuit ≡ Vladimir Nabokov

    Nabokov Rire dans la nuit BibliolingusRire dans la nuit

    (Chambre Obscure)

    Vladmir Nabokov
    Grasset et Fasquelle
    1938

     

    Élisabeth la blanche, Margot la rouge

    « Il était une fois à Berlin, en Allemagne, un homme qui s’appelait Albinus. Il était riche, respectable et heureux ; un jour il abandonna sa femme pour une jeune maîtresse ; il aima ; ne fut pas aimé ; et sa vie s’acheva tragiquement1. » 

    Trompeur Nabokov ! L’incipit donne le ton : il racontera l’infidélité, mais loin d’être une histoire d’amour commune, il remonte la pellicule et filme l’adultère sous une forme nouvelle (même soixante-dix ans après sa première publication), puissante, cruelle et tragique. 

    Albinus, critique d’art, rencontre une chienne. Il est pourtant marié à Élisabeth, une femme trop douce et parfaite pour ne pas être insipide, et père d’une petite fille née de cette union fortuite. 

    Guidé par les hasards et les fantasmes informulés, Albinus suit donc la chienne. Margot, dix-huit ans, espiègle, désinvolte et déjà vénale, veut devenir une star du cinéma allemand, avoir un luxueux appartement à Berlin et s’habiller de fourrures et d’escarpins.

    « Une ardente et presque morbide passion2 »

    Mais Margot joue mal l’amour parce qu’elle n’a jamais éprouvé d’émotions véritables. Rêveuse, ou trop rationnelle et prête à tout, Margot est une femme cruelle et intéressée, qui sait comment mener son homme à la dépense. Qu’importe, Albinus, albinos amoureux, jette son cœur dans l’engrenage de l’adultère fatal ; ce cœur pris par une « ardente et presque morbide passion2 ».

    Il lui offre l’appartement, les fourrures, la voiture et les voyages. Margot, bien qu’« amoureuse de la vie qu’Albinus lui offrait – une vie pleine de ce luxe des plus grands films3 », est l’alliée d’un autre. Axel Rex, dessinateur cynique, est l’amant de Margot et l’ami d’Albinus.

    Sous le toit du critique d’art se joue le double adultère. Comme une mise en abîme où les derniers trompeurs sont les premiers heureux, Margot trompe Albinus, qui trompe Élisabeth. 

    Excellant dans la cruauté humaine, Nabokov a brossé des personnages surprenants, qu’on espère ne jamais rencontrer que dans les romans. Rire dans la nuit, avec une fin éblouissante de noirceur et une narration vive et rythmée, dénigre magistralement une morale bafouée, jamais réhabilitée, et marque par sa fulgurance et sa méchanceté.

    Pour finir

    Certes intimidant, mais incontournable et brillant, Nabokov a écrit une œuvre déjà classique. S’il est vrai que le thème a été conquis par le cinéma et la littérature depuis 1938, Nabokov garde une place de choix dans l’art et la manière de l’aborder. Quant à la Bibliothèque de la Pléiade, elle paraît également impressionnante au premier contact mais le confort de lecture et la qualité de l’édition sont remarquables.

    1. Page 793. -2. Page 839. -3. Page 853.

    Rire dans la nuit

    Laughter in the dark (titre original)

    Seconde traduction de l’anglais par Christine Raguet-Bouvard de Chambre obscure

    Œuvres romanesques complètes, tome 1

    Éditions Gallimard

    Collection Bibliothèque de la Pléiade

    1999

    75,50 euros

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  • Commentaires

    1
    Alban
    Dimanche 12 Octobre 2014 à 22:06

    Je découvre ce site agréable à parcourir.

    Les critiques y sont pertinentes et subtiles.

    Toutefois, si je puis me permettre , je crois savoir que "Rire dans la nuit" et "Chambre obscure", ne sont pas exactement le même roman.

    Le nom des protagonistes changent et je crois que Magda (Margot dans "Rire dans la nuit") est plus vénale et même diabolique encore dans "Chambre obscure.

     

    Si ce roman vous a plu , je vous recommande vivement "Ada ou l'ardeur" et bien sûr la première partie de "Lolita" (que vous avez sans doute déjà lu.

     

    Merci pour ces délicieuses critiques.

     

    Alban

     

    2
    Lundi 13 Octobre 2014 à 13:03

    Bonjour Alban ! Merci pour ce que vous dites, ça me fait chaud au cœur !

    Je croyais qu'il y avait une petite différence de traduction, mais je ne savais pas qu'en fait le texte avait été retravaillé, il faut que je change le titre alors ! Je note effectivement Ada ou l'ardeur, car ça fait longtemps que je ne me suis pas replongée dans l’œuvre de Nabokov, j'ai envie de retourner aux fondamentaux après la rentrée littéraire !

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