• L'histoire d'une huitre Cualli Carnago Bibliolingus

    L’histoire d’une huître, ou comment j’ai failli rater ma vie sexuelle

    Cualli Carnago

    Éditions La Musardine

    2021



    L’histoire d’un vagin

    L’autrice et illustratrice Cualli Carnago, une jeune femme racisée, raconte sa vie, de l’enfance jusqu’au début de la trentaine. Ses parents et leur héritage émotionnel, le rapport à son corps de jeune femme métisse dans une société blanche ; et, surtout, sa sexualité et ses relations amoureuses, même si, on le sait, tout cela est intimement lié dans la construction de l’identité.

    Comment dépasser l’éducation de ses parents et leurs propres souffrances ? Comment découvrir son corps et sa propre sexualité, au-delà des injonctions sociétales, des représentations stéréotypées et des tabous ? Comment communiquer avec ses partenaires amoureux et sexuels et créer une relation intime, complice et épanouissante ?

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    Mon avis

    Spontanément, je n’ai pas voulu écrire une chronique sur L’histoire d’une huître publiée par les éditions La Musardine : malgré mon engouement, les sujets qu’elle aborde me paraissaient trop intimes, trop indiscrets pour les partager, et, d’autre part, je vous réservais déjà quelques chroniques de livres féministes et intimistes. Et puis, je suis allée voir sa fiche sur Babelio, histoire de lire ce qui se dit sur ce roman graphique et en mesurer sa popularité… Mais à lépoque, il n’y avait qu’une seule critique ! Personne ne s’est exprimé sur ce petit bijou ?! Ni une ni deux, j’ai pris mon clavier…

    Dans ce roman graphique, Cualli Carnago nous invite dans sa vie intime et touchante. Elle nous raconte ses difficultés, ses découvertes, ses évolutions, avec sincérité, humour et courage. Même si je n’ai pas connu toutes les problématiques qui jalonnent son parcours, il a beaucoup résonné en moi.

    La mise en image est super bien faite. Car, au-delà de l’illustration de la jeune Cualli à différents âges de la vie (où les cheveux ont une grande importance), les planches sont habitées par toutes ses voix qui l’assaillent, comme l’incarnation du petit cœur qui attend de pouvoir sortir de sa cage pour exprimer et recevoir de l’amour sans peur d’être blessé, ou encore l’incarnation du monstre intérieur qui vient saboter notre estime et notre amour-propre.

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    Les sujets qu’elle aborde doivent justement sortir de l’intimité pour devenir publics et politiques. Même si tout cela est en train de changer, nous ne parlons pas assez du désir sexuel (ou de son absence), du vaginisme, de l’introversion, de la dépression, du manque de confiance qui nous empêche de nous découvrir, d’être nous-mêmes, de faire ce que nous aimons, et qui nous force à nous conformer à des stéréotypes qui nous font du mal. 

    Ce livre, c’est une sorte de petit cadeau que Cualli Carnago nous fait, et je vous invite, à votre tour, à en bénéficier en plongeant dans L’histoire d’une huître.

    Lisez aussi

    Illustrés

    Léa Castor Corps à cœur Cœur à corps 

    Claire Duplan Camel Joe 

    Récits

    Dorothy Allison Deux ou trois choses dont je suis sûre

    Maya Angelou Tant que je serai noire

    Anonyme Une femme à Berlin

    ♥ Jeanne Cordelier La Dérobade

    Gabrielle Deydier On ne naît pas grosse

    ♥ Emma Goldman Vivre ma vie

    ♥ Assata Shakur Assata, une autobiographie

    Littérature

    ♥ Dorothy Allison Retour à Cayro (200e chronique)

    Erika Nomeni L'Amour de nous-mêmes

    Martin Winckler Le Chœur des femmes

    Erika Nomeni L'Amour de nous-mêmes

    Virginie Despentes Baise-moi

    Heloneida Studart Le Bourreau

    Heloneida Studart Le Cantique de Meméia

    Essais

    Coral Herrera Gomez Révolution amoureuse

    Irène Zeilinger Non c'est non

    Simone de Beauvoir Le Deuxième Sexe 1

    Mona Chollet Beauté fatale

    Mathilde Larrère Rage against the machisme

    Laurène Levy Mes trompes, mon choix !

    ♥ Pauline Le Gall Utopies féministes sur nos écrans

    Christelle Murhula Amours silenciées. Repenser la révolution romantique depuis les marges

    ♥ Valérie Rey-Robert Une culture du viol à la française

    Julia Serano Manifeste d'une femme trans

     

    L’histoire d’une huître, ou comment j’ai failli rater ma vie sexuelle

    Cualli Carnago

    Éditions La Musardine

    2021

    200 pages

    17 euros

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  • Blanc autour Wilfrid Lupano et Stéphane Fert BibliolingusBlanc autour

    Wilfrid Lupano

    Stéphane Fert

    Éditions Dargaud

    2020



    La BD Blanc autour de Wilfrid Lupano et Stéphane Fert raconte l’histoire de l’école de Prudence Crandall, vraisemblablement le premier établissement à avoir accueilli des personnes noires aux États-Unis, et de surcroît des filles. Mais ce point de départ, qui avait tout pour me séduire, ne m’a pas convaincu. Cette BD est particulièrement belle, mais elle me semble superficielle et maladroite, et je vais vous expliquer pourquoi. 

    « Le “non”, c’est le monde entier qui te le dit1 »

    Nous sommes en 1832, dans le Connecticut, au nord des États-Unis où l’esclavage est, en théorie, déjà aboli (il sera « aboli » dans l’ensemble du pays trente ans plus tard). Sarah Harris, une jeune fille afro-américaine, veut s’instruire. Elle s’adresse alors à sa patronne, Prudence Crandall, qui tient une école pour jeunes filles blanches, afin de lui demander si elle peut elle aussi suivre les cours.

    Mais Sarah Harris, qui deviendra officiellement la première élève afro-américaine aux États-Unis, va voir fondre sur elle tout le racisme de cette petite ville du Connecticut…

    Blanc autour BD BibliolingusMon avis

    Blanc autour avait visiblement tout pour me plaire. J’ai été séduite par le fait qu’un roman graphique s’empare des thématiques du racisme et du féminisme qui parcourent l’ensemble de Bibliolingus. J’ai été séduite par ces très beaux dessins qui font se côtoyer l’univers enfantin des jeunes filles afro-américaines et l’ambiance sombre, inquiétante et dramatique du racisme.

    Pourtant, je n’ai pas eu de coup de cœur. D’abord, j’ai eu du mal à garder le fil de l’histoire, à identifier les passages d’une scène à l’autre et les ellipses. 

    Ensuite, l’ensemble m’a paru très superficiel. Les liens sociaux entre les personnages ne sont pas facilement repérables ; et la personnalité et le parcours des jeunes filles afro-américaines et de Prudence Crandall sont à peine esquissés. Comme il y a probablement peu de sources historiques (l’histoire des femmes, racisées de surcroît, ayant bien souvent été occultée), les auteurs auraient pu vouloir insérer de la fiction, imaginer une histoire intime par-dessus les faits historiques. En tant qu’hommes blancs français, peut-être n’ont-ils pas voulu romancer pour ne pas créer d'interférences, pour ne pas travestir les faits historiques ? On suppose néanmoins tout le courage qu’il a fallu à ces jeunes filles noires pour entrer dans cette école. Il a fallu dépasser la peur de la répression et le sentiment d’illégitimité inculqué depuis toujours aux personnes noires.

    Il y a pourtant deux personnages sortis tout droit de la fiction, qui sont posés là de manière factice pour incarner une idée, et qui n’existent pas pour eux-mêmes : le petit garçon Sauvage et la sorcière. 

    A rebours de l’émancipation par la lutte non-violente, le petit garçon Sauvage défend la lutte armée du révolutionnaire afro-américain Nat Turner et décrit l’école comme une institution bonne à formater les esprits. La question que pose ce personnage est, me semble-t-il, celle-ci : peut-on gagner une lutte émancipatrice en étant dans les entrailles du système ? L’instruction fournie par une société profondément blanche, raciste, colonialiste et misogyne peut-elle rendre ces femmes noires libres ? Elles vont apprendre l’Histoire officielle des Blanc·hes qui occulte l’impérialisme et l’esclavage responsables du déracinement de millions de femmes et d’hommes du continent africain.

    Quant au personnage de la sorcière, il semble surfer sur la passion grandissante des sorcières (à laquelle j’ai réchappé), érigées en femmes indépendantes, féministes, empouvoirantes, dissidentes. Mais je comprends incidemment que ce personnage sert à dire que ces jeunes filles afro-américaines, nouvellement instruites, pourront tenter de sortir de leur condition de citoyennes de seconde zone, qu’elles pourront à leur tour offrir à leurs enfants le gage d’une vie plus éclairée.

    Blanc autour BD Bibliolingus

    Pour finir, cette BD est particulièrement belle, mais elle me semble superficielle et maladroite. Même si c’est important de mettre en lumière un moment historique notable, j’aurais préféré qu’elle soit écrite par des personnes davantage concernées, et d’autre part je regrette qu’on ne parle de Noir•es que pour les ramener aux problématiques du racisme et de l’esclavage ; et plus la problématique raciale est lointaine aux plans chronologique et géographique, plus elle est audible des Blanc•hes.

    Lisez aussi

    L’amour de nous-mêmes Erika Nomeni 

    Retour dans l’œil du cyclone James Baldwin

    Mon histoire Rosa Parks

    Assata, une autobiographie Assata Shakur

    À jeter aux chiens Dorothy B. Hughes

    L'art de perdre Alice Zeniter 

    Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur Harper Lee

    Va et poste une sentinelle Harper Lee

    L'Intérieur de la nuit Léonora Miano

    Beloved Toni Morrison

    Americanah Chimamanda Ngozi Adichie

    Voici venir les rêveurs Imbolo Mbue

    Comment la non-violence protège l’État Peter Gelderloos

    Le Ventre des femmes Françoise Vergès

    Rage against the machisme Mathilde Larrère

    Décolonial Stéphane Dufoix

    1. Page 17.

    Blanc autour

    Wilfrid Lupano

    Stéphane Fert

    Éditions Dargaud

    2020

    146 pages

    20,50 euros

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  • Corps à coeur Coeur à corps Léa Castor BibliolingusCorps à cœur Cœur à corps

    Léa Castor

    éditions lapin

    2019

     

    Pouvez-vous me citer ne serait-ce qu’une seule femme de votre entourage qui n’a pas de complexe physique ? Nez, poils, seins, fesses, cuisses, cellulite, vergetures, bourrelets des aisselles et même hip dips… Avec l’arrivée des grosses chaleurs, des débardeurs, des shorts et des regards plus ou moins bienveillants, la lecture de Corps à cœur Cœur à corps de Léa Castor, publiée par les éditions indépendantes lapin, agit comme un baume apaisant sur nos souffrances systémiques.

    « Tu veux bien, m’aider à m’aimer en entier, dis ? » 

    Corps à cœur Cœur à corps est un recueil de témoignages de femmes qui racontent leurs complexes et leur parcours pour s’en défaire. En quelques pages, Léa Castor met en scène chacun de ces témoignages en dessinant ces corps mal-aimés et éprouvés grâce aux photos qui lui sont envoyées. Chaque témoignage se conclut par la réaction souvent émue (et émouvante) des femmes.

    Ces femmes racontent leur souffrance, la détestation de leur corps qui peut aller jusqu’aux TCA (troubles des conduites alimentaires) ou à la scarification, leurs stratégies de camouflage, leur prise de conscience et, pour la plupart, l’acceptation de leur corps.

    Corps à coeur Coeur à corps - illustration BibliolingusMon avis

    Je me suis beaucoup retrouvée dans les témoignages de ces femmes qui se mettent à nu, qui montrent leur fragilité et la manière dont elles essaient de dépasser leurs complexes. Ça m'a fait beaucoup penser aux vidéos salvatrices de Cher corps de Léa Bordier.

    Imaginez le temps, l’argent et l’énergie mentale que nous gaspillons au cours d’une vie pour scruter notre corps, pour le modeler et chercher à en « corriger les défauts ». Nous vivons constamment dans une auto-surveillance implacable, en quête d'une perfection qui n’existe pas et de canons de beauté impossibles à atteindre (et qui évoluent sensiblement au fil du temps, ce qui rend cette quête d’autant plus insatisfaisante). 

    En fin de compte, le complexe naît de la manière dont la société perçoit le corps humain, et celui des femmes en particulier. Aucun⋅e enfant ne naît avec un complexe en tête.

    Impossible d’échapper à la pression sociétale : nous sommes cernées par les publicités et les médias qui, pour des raisons économiques, se nourrissent de nos peurs pour nous vendre le bikini body ou le programme ventre-plat à chaque printemps… La vague écrasante de développement personnel nous pousse sans cesse à « être une meilleure version de nous-même », comme si nous étions un produit qui augmente en gamme au fil du temps… Le développement personnel nous gaslighte : il pointe du doigt notre difficulté à perdre du gras, à arrêter le sucre, à faire du sport, sans jamais aborder les causes de la malnutrition, de l’obésité, des addictions et du stress qu’induisent la société capitaliste.

    Et, à l’ère des médias sociaux où tout le monde regarde tout le monde, le regard des autres est démultiplié, déshumanisé et cruel. Dans la vie « réelle », il n’y a pas d’un seul coup des centaines ou des milliers de personnes qui viennent nous accoster pour nous dire, de but en blanc, sans un « bonjour », que nous sommes moches et que nous ferions mieux de faire du sport pour perdre le « surplus » de gras.

    Corps à coeur Coeur à corps - illustration BibliolingusNous voyons notre corps comme une machine à améliorer, alors qu’il fait intégralement partie de notre personne. Notre corps raconte notre histoire, il est le témoin de notre vécu, de nos expériences. Les vergetures racontent une grossesse, les pattes d’oie racontent nos rires et nos pleurs… Notre corps témoigne aussi de notre place dans la société et de notre classe sociale : les mains abîmées sont celles des travailleuses et travailleurs manuel·s et des plus précaires, l’obésité concerne davantage les plus pauvres d’entre nous. L’idéal de beauté, c’est le corps qui n’a pas vécu et souffert, qui n’a pas dû trimer pour gagner sa croûte.

    Et surtout, voyons notre corps comme il est : sa fonction première est de nous permettre de vivre, si possible en bonne santé. Il nous permet avant tout de sentir le monde et d’interagir avec lui.

    Corps à coeur Coeur à corps BibliolingusVoilà une BD intime, dessinée et colorée tendrement, qui nous invite à changer notre regard sur le corps humain, à arrêter de lui faire la guerre, à prendre de la distance avec les normes misogynes. Car, au risque d’écrire quelque chose de très banal, je voudrais rappeler que nous sommes finalement la première personne avec qui nous allons vivre pour toute la vie. Notre corps est légitime, aimons-le tel qu’il est !

    Et vous, quel est votre rapport avec votre corps ?

    Lisez aussi

    Essais

    Beauté fatale Mona Chollet

    Une culture du viol à la française Valérie Rey-Robert

    Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin ! Éliane Viennot

    Tirons la langue Davy Borde

    Le Deuxième Sexe 1 Simone de Beauvoir

    Le Ventre des femmes Françoise Vergès

    Ceci est mon sang Elise Thiébaut

    Masculin/Féminin 1 Françoise Héritier

    Libérées Titiou Lecoq

    Non c'est non Irène Zeilinger

    Rage against the machisme Mathilde Larrère

    Nous sommes tous des féministes Chimamanda Ngozi Adichie

    Manifeste d'une femme trans Julia Serano

    Moi les hommes, je les déteste Pauline Harmange

    Pas d'enfants, ça se défend ! Nathalie Six (pas de chronique mais c'est un livre super !)

    Littérature et récits

    L’amour de nous-mêmes Erika Nomeni 

    Le Chœur des femmes Martin Winckler

    Vous vouliez ma chaleur, vous aurez mon feu Paulo Higgins

    Vivre ma vie Emma Goldman

    La Commune Louise Michel

    Assata, une autobiographie Assata Shakur

    Une si longue lettre Mariama Bâ

    L'Œil le plus bleu Toni Morrison

    Le Cantique de Meméia Heloneida Studart

    Instinct primaire Pia Petersen

    Histoire d'Awu Justine Mintsa

    Une femme à Berlin Anonyme 

    Bandes dessinées

    Camel Joe Claire Duplan

    L’Histoire d’une huître Cualli Carnago

     

    Corps à cœur Cœur à corps

    Léa Castor

    éditions lapin

    collection Causes en corps

    2019

    224 pages

    20 euros

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