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O Matador ≡ Patricia Melo
Salon du livre de Paris 2015
O Matador
Patrícia Melo
Albin Michel
1996
À la suite d’une petite provocation qui a dégénéré en meurtre, Maïquel, un jeune homme de São Paulo, devient tueur à gages pour des hommes riches et influents.
« J’ai sorti mon arme et j’ai tiré, je l’ai eu en pleine tête1 »
Tout commence par une provocation, une vanne lancée comme ça. Mais Maïquel, un jeune homme de 23 ans, n’aime pas plaisanter et nous le dit tout net : il provoque le rigolo en duel et l’abat de sang froid.
Maïquel n’a pourtant rien d’un dur. Bouffé par la culpabilité et la gravité de son geste, il s’enfuit en courant et se terre quelques jours chez lui. Paniqué, il laisse libre court à ses pires cauchemars : les flics, les juges, la prison… Les jours passent, et rien ne se passe ! Ou plutôt si : les voisins déposent des cadeaux sur le pas de la porte. Plus étonnant encore, lorsqu’il sort enfin de chez lui et qu’une patrouille de police passe devant lui, celle-ci s’arrête et le salue avec respect. Mais pas de menottes, pas d’arrestation… Alors, sa vie bascule.
« Les autres ont surtout apprécié le moment où j’ai martelé la tête d’Ezéquiel et où je lui ai crevé les yeux. Les mères ont adoré et moi j’ai trouvé normal qu’elles adorent. Les cadeaux ont été encore plus beaux que quand j’avais tué Suel, des jumelles, cinq kilos de riz, un morceau de rumsteck, des cartes, des lunettes de soleil, des tee-shirts, et plein de babioles2. »
« Avant d’être une ordure j’étais autre chose, j’étais un homme, j’étais bon3. »
Maïquel, presque malgré lui, est devenu un tueur à gages et bienfaiteur de la ville. Engagé par le riche Dr Carvalho qui le paie pour tuer les « nègres », les pauvres voleurs, violeurs et dealers. Dans son délire sécuritaire, le Dr Carvalho ne se contente plus de barricader sa belle résidence, de blinder ses portes et d’entraîner ses chiens féroces. Il lui faut tuer la vermine, ces pauvres désespérés que Maïquel assassine avec le consentement de la police corrompue. Maïquel honteux de ses chaussures plates et usées sur le grand tapis moelleux du Dr Carvalho, se permet à présent de rêver à une maison à soi, une voiture, une femme, des enfants… Passer de l’autre côté de la barrière et devenir riche : mais à quel prix ?
Maïquel se glisse dans la peau du tueur à gage sans états d’âme ni remord, mais en réalité il n’est pas taillé dans le marbre. À coups de feu, il ingurgite la haine qu’on veut lui faire avaler, la haine de son propre peuple, et la haine de lui-même. Jusqu’à son paroxysme.
Pour finir
Si O Matador de Patrícia Melo semble commencer comme une parodie du tueur à gages débutant et maladroit, on se rend compte que, malgré l’ironie du sort qui pointe, il n’en est rien. Maïquel représente la jeunesse de São Paulo pauvre, abandonnée par les pouvoirs publics, vouée à dealer, se droguer, ou avoir un job de merde sans espoir d’ascension sociale. À travers lui, on entrevoit une jeunesse fracassée avant même d’avoir passé la vingtaine. La misère, le racisme, la violence, la maladie, la mort ; ici le temps est plus court du berceau à la morgue.
Mais O Matador pointe aussi les jeunes riches désorientés, cloisonnés dans leurs banlieues chics, à travailler et consommer comme papa et maman alors que la violence gronde à l’extérieur.
Pour Maïquel, les emmerdes s’accumulent en toute impunité, dans une escalade vertigineuse qui atteint son paroxysme. La culpabilité le bouffe, le ronge, le tue et on s’attend au pire à chaque page. Raconté à la première personne, sur le ton de l’urgence, sans ponctuation de dialogue, O Matador est un roman social fracassant.
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1. Page 146. -2. Page 78. -3. Page 116.
O matador
Traduit du portugais (Brésil) par Cécile Tricoire
Patrícia Melo
Albin Michel
Collection Les grandes traductions
1996
304 pages
18,60 euros
Disponible aussi en poche
Tags : Brésil, Patrícia Melo, Cécile Tricoire, tueur à gage, racisme, pauvreté, meurtre, Sao Paulo, Bibliolingus
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Commentaires
Non je t'assure, c'est hyper fluide justement, c'est bien fait ! C'est pas des dialogues longs, plutôt des interventions, comme du discours indirect libre. Il n'y a pas de retour à la ligne ni de guillemets, c'est juste ça. Ne fuis pas, surtout que je prépare une deuxième chronique du même auteur, dont le livre est encore plus réussi !
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Sans ponctuation ni dialogue ? Je fuis, en général.