• le coeur cousu carole martinez bibliolingus

    Le Cœur cousu

    Carole Martinez

    Éditions Gallimard

    Prix Renaudot des lycéen·nes

    2007

     

    « On murmure que sa mère était sorcière et que toute sa lignée est maudite1. »

    Soledad, la narratrice et dernière sœur des Carasco, renonce à prendre un mari. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir des prétendants. Toutes les femmes du village pensent même que son succès auprès des jeunes hommes vient du fait que les Carasco sont une longue lignée de sorcières.

    En une nuit, Soledad devient vieille et sèche. Alors, elle se décide à poser sur le papier l’histoire à la fois fabuleuse et terrible de sa mère Frasquita et de sa famille, d’une rive à l’autre, peuplées de magie, de mystères, de superstitions, mais aussi de douleur et de mort.

    Mon avis

    Le Cœur cousu offre un savoureux mélange des genres. J’y ai d’abord trouvé du réalisme magique : les Carasco vivent dans un petit village où les dons des sorcières côtoient les traditions de la religion chrétienne. Des choses inexpliquées, inexplicables, tant dramatiques que farfelues, se mêlent aux réalités quotidiennes, sous le regard réprobateur des autres villageois·es.

    Mais il y a dans ce roman de nombreux éléments relevant du conte : la contrée où évoluent les Carasco qui n’est pas nommée (du moins au début), et l’histoire s’articule autour d’un élément déclencheur, d’une grande épopée et de nombreuses péripéties. Du conte, on retrouve aussi les rituels, les initiations et les trésors transmis de génération en génération, les malédictions et la cruauté, des symboliques et des sens cachés. Chaque personnage possède son propre mobile et se caractérise par un don ou une particularité. Frasquita qui recoue les âmes et les corps, Anita la conteuse, Angela la femme-oiseau, Clara l’enfant solaire, Martirio qui dialogue avec la mort, Pedro le dessinateur prodige, l’homme-coq aux prises avec l’homme à l’oliveraie, le savant qui devient un ogre la nuit venue… 

    Mais, à rebours du conte traditionnel, les femmes Carasco se débattent continuellement avec la soumission que leur impose la société patriarcale. Carole Martinez excelle dans le portrait de ces femmes, reléguées à leur genre, exclues du monde des hommes, autrement dit du monde tout court ; en particulier Frasquita qui traverse courageusement les grandes étapes de sa vie d’épouse et de mère, faite d’interdits et d’obligations. Etonnamment, j’ai senti une influence zolienne dans Le Cœur cousu, avec deux scènes en particulier qui m’ont fait penser à l’histoire de Gervaise dans L’Assommoir : d’abord lorsque Soledad se rend au lavoir où toutes les femmes du village cancanent à propos des hommes, puis lorsque Frasquita doit subvenir aux besoins de sa famille à cause des dérives de son mari.

    Également à rebours du conte, la contrée où évoluent les Carasco finit par se dévoiler par petites touches. En fait, on comprend au fur et à mesure que leur récit s’inscrit dans l’histoire collective, pétrie de la lutte des classes et de la guerre dans laquelle les exploité·es cherchent à faire la révolution pour déposséder les riches… Et, plus tard, la famille Carasco poursuit son périple de l’autre côté de la mer, dont on ne prononce même pas le nom.

    J’ai beaucoup aimé me plonger dans Le Cœur cousu ; j’ai aimé l’écriture charnelle, enchanteresse, incantatrice, évocatrice, colorée ; j’ai aimé la diversité des genres et des péripéties, ainsi que la liberté que prend Carole Martinez. Mais je n’en dirai pas plus pour ne pas gâcher votre plaisir !

    De la même romancière

    Du domaine des murmures

    Lisez aussi

    Littérature

    Mariama Bâ Une si longue lettre 

    Justine Mintsa Histoire d'Awu

    Dorothy Allison Retour à Cayro (200e chronique)

    Vincent Borel Antoine et Isabelle

    Pia Petersen Instinct primaire

    Alice Zeniter L'Art de perdre

    Essais

    Coral Herrera Gomez Révolution amoureuse

    Simone de Beauvoir Le Deuxième Sexe 1 

    Pauline Harmange Moi les hommes, je les déteste

    Titiou Lecoq Libérées

    Valérie Rey-Robert Une culture du viol à la française

     

    1. Page 428.

     

    Le Cœur cousu

    Carole Martinez

    Editions Gallimard

    Collection Folio, format poche

    2009

    448 pages

    9,90 euros

     

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  • décolonial stéphane dufoix bibliolingusDécolonial
    Stéphane Dufoix
    Éditions Anamosa
    2022

     

    Merci à Babelio pour son opération Masse critique

    Dans ce petit ouvrage, le chercheur en sciences sociales Stéphane Dufoix explique les différentes définitions des mots « décolonial » et « décolonialisme » et les réactions de droite et d’extrême droite qu’ils suscitent. Il revient rapidement sur l’histoire de la pensée décoloniale en sciences sociales qui vise à réduire l’hégémonie des cultures et savoirs occidentaux et à rendre visibles les savoirs invisibilisés des autres continents. Qu’est-ce que la colonialité ? Qu’est-ce qu’un point de vue situé ? Que sont l’universalisme et le pluriversalisme ? Quels sont les arguments des néo-républicain·es qui s’opposent farouchement à la pensée décoloniale ? Quelles sont les principales figures décoloniales au sein des sciences sociales ? Cet ouvrage, publié par les éditions indépendantes Anamosa, propose une porte d’entrée intéressante sur les débats qui agitent la société depuis plusieurs dizaines d’années.

    Un terme récent dont la définition est malléable

    « Décolonial » et « décolonialisme » sont des termes récents, mais de plus en plus utilisés depuis 2016. Pourtant, leurs définitions sont encore assez floues et sujettes à diverses manipulations, d’où l’objet de ce petit livre dans la collection Le mot est faible des éditions indépendantes Anamosa.

    Il y a celles et ceux qui s’en revendiquent, d’une manière positive, dans le cadre des sciences sociales et des mouvements anti-racistes et anti-décoloniaux, et celles et ceux qui s’y opposent, en particulier pour les intellectuel·les âgé·es, les chercheur·ses à la retraite (principalement des hommes blancs et bourgeois), dans les médias de droite et d’extrême-droite et au sein du gouvernement lui-même. Ces opposant·es mettent le « décolonialisme » dans le même sac idéologique que « l’islamo-gauchisme », « l’indigénisme » et le « wokisme ». 

    La définition du décolonialisme par celleux qui l’étudient…

    Même si le colonialisme a pris fin, l’impérialisme existe encore et les pratiques et politiques coloniales ont perduré malgré la fin du colonialisme. Inconsciemment, nos récits collectifs sont largement imprégnés de la pensée coloniale. C’est pour cette raison que, ces dernières années, les objets d’étude des sciences sociales ont beaucoup évolué : ils s’intéressent davantage au poids de la race et de la colonialité dans la société.

    Le concept de décolonialisme a donc émergé pour prendre conscience du fait que nos sciences sociales occidentales sont situées historiquement et géographiquement et n’ont rien d’universel. Nos savoirs sont le produit de notre histoire. Ils ne s’élaborent pas dans un huis-clos, hors de la société. Ils sont intrinsèquement liés aux travaux d’hommes blancs bourgeois et occidentaux, en particulier depuis le siècle des Lumières, qui ont érigé une structure des cultures et des valeurs au sein dans laquelle ils sont au sommet. Ainsi, au nom de l’universalisme, la science occidentale serait LA seule science, au détriment de toutes les représentations culturelles et scientifiques ailleurs dans le monde.

    Il s’agit donc de faire un pas de côté, de réduire la domination, l’hégémonie des sciences occidentales pour porter un regard sur les recherches menées partout ailleurs dans le monde, comme en Amérique latine, en Asie ou en Afrique et dans tous les anciens pays colonisés. Si on prend l’exemple de la sociologie, les travaux de Bourdieu, Derrida et Foucault sont connus et étudiés dans le monde entier. Mais connaissons-nous ne serait-ce qu’un·e seul·e chercheur·se en Argentine, en Malaisie, au Maroc ? Et peut-on vraiment appliquer les recherches de Bourdieu dans un contexte indien ? péruvien ? On ne se rend pas compte en France que tout un ensemble de savoirs sont en fait réduits au silence.

    L’auteur de ce petit ouvrage revient donc sur l’histoire du décolonialisme, qui aurait pour origine la création d’un groupe de recherche Modernité/Colonialité dans les années 1990, avec pour figures principales le sociologue péruvien Aníbal Quijano, qui a forgé la notion de « colonialité » du pouvoir, des savoirs et de lêtre en 1992, et le philosophe argentin Enrique Dussel qui invite à adopter une vision pluriversaliste pour une meilleure circulation des idées.

    Partant de ces constats, les chercheur·ses étudient de plus en plus les effets de la colonialité au sein de la société, et c’est ce qui fait visiblement peur aux opposant·es de la pensée décoloniale…

    …et celleux qui le dénoncent !

    La définition du décolonialsme est avant tout posée par ses opposant·es, qui l’utilisent comme un mot repoussoir. Pour elleux, le décolonialisme est un mouvement idéologique, purement militant, non universitaire, non scientifique, qui manque d’objectivité, de neutralité, de méthode. En mettant l’accent sur les identités raciales, ethniques et de genre, la pensée décoloniale mettrait en danger la cohésion sociale, l’unité de la Nation, la République indivisible. Le mouvement de décolonisation aurait « infiltré » et « contaminé » l’université (d’où le rapport commandité par la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal en 2021 sur l’islamo-gauchisme dans les universités).

    Pour Stéphane Dufoix, cette opposition n’est pas récente, elle relève d’un mouvement néo-républicain qui est à l’œuvre en France depuis les années 1990, avec toutes les polémiques soulevées sur le voile, la laïcité, « l’identité nationale », la « culpabilité » de l’esclavage et de la colonisation et la « repentance » qui irait avec, la gestion de l’immigration…

    Mon avis : l’importance des mots

    Je suis très contente d’avoir lu cet ouvrage qui entre parfaitement dans mon parcours de lecture sur le racisme. Décolonial de Stéphane Dufoix fait partie de la collection Le mot est faible des éditions indépendantes Anamosa, qui s’attache à étudier le sens des mots qui agitent nos débats. Faut-il que je rappelle combien les mots ont de l’importance dans la manière dont nous percevons le monde ? J’ai consacré plusieurs chroniques à ce sujet, notamment La Guerre des mots pour les 10 ans de Bibliolingus.

    J’aime beaucoup le concept de la collection : ce sont des textes très courts (moins de 100 pages), dans un format tout petit, qui ne sont pas impressionnants et qui permettent d’ouvrir une brèche, de se questionner sur notre langage sans se fader un gros ouvrage universitaire ! 

    Décolonial est le premier ouvrage que je découvre dans cette collection : même si Stéphane Dufoix m’a un peu perdue au début, j’ai trouvé que l’ensemble était clair. Comme le texte est très ramassé et concis, je pense qu’il faut tout de même avoir une certaine connaissance des débats passés et en cours pour comprendre l’ensemble des enjeux. Mais, comme pour tout essai, il ne faut pas hésiter à s’emparer physiquement du livre : lire et relire, revenir en arrière, souligner, se tourner vers des lectures complémentaires, ainsi que l’explique Modiie. Et l’avantage, c’est que celui-ci est petit ! La prise de risque est minime, c’est donc une bonne entrée en matière.

    J’apprécie aussi l’humilité de l’auteur qui, comme les sciences qu’il étudie, ne prétend pas être neutre. Comme nous toustes, son point de vue est situé : c’est un chercheur engagé, blanc et âgé de plus de cinquante ans.

    A la fin de cette lecture, je mesure combien l’édition a aussi un grand rôle à jouer dans la décolonisation des savoirs : en tant qu’éditeurs et éditrices, nous avons la possibilité de faire connaître les travaux de chercheur·ses originaires de pays dont la visibilité scientifique dans les sciences sociales mondiales demeure très faible. Même s’ils sont pris en étaux par des considérations économiques, nos choix éditoriaux ont un pouvoir sur la circulation des idées. Alors, éditeurs et éditrices, mais aussi lecteurs et lectrices, ouvrons les yeux sur ce qui s’écrit ailleurs qu’en Occident…

    Lisez aussi

    L’amour de nous-mêmes Erika Nomeni 

    Retour dans l’œil du cyclone James Baldwin

    Mon histoire Rosa Parks

    Assata, une autobiographie Assata Shakur

    Le 16e round Rubin Carter 

    À jeter aux chiens Dorothy B. Hughes

    L'art de perdre Alice Zeniter 

    Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur Harper Lee

    Va et poste une sentinelle Harper Lee

    L'Intérieur de la nuit Léonora Miano

    Beloved Toni Morrison

    Americanah Chimamanda Ngozi Adichie

    Voici venir les rêveurs Imbolo Mbue

    Le Ventre des femmes Françoise Vergès

    Heineken en Afrique Olivier Van Beemen

    Françafrique, la famille recomposée Association Survie

    Découvrez aussi le numéro 24 de la revue Passerelle à ce sujet, et en accès libre.

    Décolonial

    Stéphane Dufoix

    Editions Anamosa

    Collection Le mot est faible

    2023

    104 pages

    9 euros

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  • correcteurs et correctrices guillaume goutte bibliolingusCorrecteurs et correctrices, entre prestige et précarité

    Guillaume Goutte

    Éditions Libertalia

    2021

     

    Dans ce petit ouvrage publié par les éditions indépendantes et engagées Libertalia, Guillaume Goutte, secrétaire délégué de la section correction à la CGT, fait un état des lieux du métier de correcteurice dans la presse et dans l’édition, où la précarité et l’isolement se sont durablement installés. Il propose aussi différents moyens d’action pour pérenniser l’existence et le professionnalisme de nos métiers. On parle enfin concrètement de mon métier et de ses difficultés ! Car, en tant qu’éditrice et correctrice freelance dans l’édition et la correction de livres depuis 2013, je me suis beaucoup retrouvée dans ces pages, et c’est de ce statut dont je vais vous parler en particulier dans ma chronique. 

    « Le microentreprenariat est l’un des maux les plus graves qui touchent le métier de correcteur aujourd’hui, générateur de précarité extrême et menace pour l’exercice professionnel de la correction1. »

    En apparence, le statut d’autoentrepreneur⋅se (freelance) donne l’impression qu’on est libres, indépendant⋅es, mais il n’en est rien. Voici les difficultés qu’on rencontre dans l’édition :

    • revenus particulièrement faibles, voire indécents, qui sont rarement négociables ;
    • revenus fluctuants d’un mois à l’autre, d’une année à l’autre, qui empêchent toute stabilité et toute projection à long terme (obtenir un logement, contracter un prêt à la banque…) ;
    • peu de vacances par peur de passer à côté d’une mission freelance, horaires à rallonge (mon « record » est de 13 heures sur une journée et 60 sur une semaine) et travail les weekends et jours fériés pour parvenir à rendre un fichier dans les temps impartis ;
    • lien de subordination à peine masqués ;
    • faible protection sociale (arrêt maladie, chômage, retraite…).

    Dans la presse, le métier de correction est précaire. La rémunération à la pige s’est généralisée, et le métier est souvent escamoté, puisque ce sont les secrétaires de rédaction qui se retrouvent à faire la correction, alors que ce sont deux métiers distincts. Toutefois, comme le métier des correcteurices dans la presse est intimement lié à la naissance du syndicalisme à la fin du XIXe siècle, la corporation bénéficie encore d’un rapport de force qui a permis de préserver une certaine sécurité. Il y a notamment la loi Cressard de 1974 qui dispose que toute personne travaillant pour un organisme de presse est, de fait, présumée salariée.

    Mais, dans l’édition, c’est pire ! Le premier syndicat de correcteurices de l’édition n’est né qu’en 1957. Les TAD (travailleureuses à domicile) ont un statut précaire : iels sont salarié⋅es mais ne sont pas considérées au même titre que celleux travaillant dans les locaux de la maison, et leurs revenus sont très fluctuants.

    En fait, c’est surtout avec l’avènement de l’autoentreprenariat en 2009 (merci Sarkozy) que les choses se sont empirées. Nous sommes corvéables à merci, rémunéré⋅es au lance-pierre et jetables du jour au lendemain. Ce statut s’est largement répandu dans l’édition, car c’est du pain béni pour les employeurs : il les affranchit de l’encadrement juridique imposé par le salariat, du Code du travail, des conventions collectives et des accords d’entreprise. Le statut d’autoentrepreneur⋅se est une véritable régression en matière de droit du travail.

    « Les correcteurs et correctrices doivent défendre leur métier s’ils veulent continuer d’en vivre et s’ils sont convaincus de son importance dans la diffusion d’une information et d’une culture de qualité2. »

    Au-delà des constats pour le moins alarmants, cet ouvrage est une invitation à se mobiliser. Il propose différentes manières de s’engager pour sécuriser nos professions, obtenir une meilleure reconnaissance de nos métiers, de nos compétences, et une meilleure rémunération. 

    Ces moyens d’action sont complémentaires, il ne faut en négliger aucun, mais pour Guillaume Goutte, le premier est avant tout la syndicalisation (notamment auprès du Syndicat général du Livre et de la communication écrite de la CGT). Pour plusieurs raisons, la syndicalisation est en perte de vitesse depuis plusieurs décennies. Pourtant, le syndicat est un lieu qui permet de se réunir, de se solidariser, de s’informer, de se former, de s’aider les un⋅es les autres, de mener des actions collectives, de renforcer notre pouvoir, d’inverser le rapport de force, de faire changer les pratiques, les mentalités et les lois. 

    À cela s’ajoutent le boycott et le call-out des organismes de presse et des maisons d’édition ayant des pratiques exécrables (manifestations lors d’événements publics) ; le label syndical, comme cela se faisait au XIXe siècle (mention qui atteste qu’un produit a été réalisé par des personnes travaillant dans de bonnes conditions) mais, personnellement, je n’ai jamais vu cela ; ou encore le recours aux prud’hommes (qui est très coûteux à titre personnel et professionnel).

    Mon avis : la correction, un métier indispensable qu’il faut défendre

    Comme le dit si bien Guillaume Goutte, nos métiers n’ont aucune raison de disparaître : que ce soit sur le papier ou sur internet, l’écrit est omniprésent. L’édition et la correction sont indispensables pour comprendre un texte, quel qu’il soit. Et sur internet, il y a de quoi faire ! Les organismes de presse ne financent plus la correction, car ils semblent croire que le lectorat du web est moins exigeant que celui du papier…

    Dans tous les livres que je lis, il y a des fautes. S’il manque un mot, une virgule, un italique, une capitale, le sens de la phrase peut changer. Parle-t-on de la Libération (à la fin de la Seconde Guerre mondiale), du journal Libération ou de la libération, celle qui émancipe ? Une table des matières mal paginée ou l’absence de glossaire quand il y a profusion de noms propres ne permettent pas de s’orienter dans le livre. Que dire d’un récit qui passe du passé simple au passé composé, puis au passé simple et au présent de l’indicatif, emmêlant la chronologie des événements ? Que dire de l’écriture inclusive, utilisée de manière aléatoire dans certains ouvrages (celui-ci y compris) ?

    Mais il y a aussi le contenu en lui-même. Que dire d’une information scientifique non vérifiée, qui sera lue par des milliers de personnes ? Que dire d’une introduction qui définit mal la problématique, d’une notion pointue sans note explicative, d’une traduction qui introduit un contresens ? Mon travail, c’est tout cela depuis 9 ans, c’est le fond et la forme, et il me semble indispensable pour ne pas laisser le lecteurice dans l’errance, pour rendre le livre accessible au plus grand nombre, pour le faire sortir de l’élitisme.

    À la lecture de cet ouvrage, j’ai décidé d’adhérer au Syndicat général du Livre et de la communication écrite de la CGT. Aussitôt lu, aussitôt fait !

    Lisez aussi

    L’Édition sans éditeurs André Schiffrin

    Allers-retours André Schiffrin

    L'édition indépendante critique Sophie Noël

    Édition. L'envers du décor Martine Prosper

    Les Intellos précaires Anne et Marine Rambach

    Les Nouveaux Intellos précaires Anne et Marine Rambach

    Tant qu'il y aura des livres Laurence Santantonios

    La Trahison des éditeurs Thierry Discepolo

    Le livre : que faire ? Collectif

    Petits bonheurs de l'édition Bruno Migdal

    La Condition littéraire Bernard Lahire

    Journalistes précaires, journalistes au quotidien Collectif

    Boulots de merde ! Julien Brygo et Olivier Cyran

    Black Girl Zakiya Dalila Harris 

     

    1. Page 53. -2. Page 45.

    Correcteurs et correctrices, entre prestige et précarité

    Guillaume Goutte

    Éditions Libertalia

    2021

    84 pages

    8 euros

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