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    Mes trompes, mon choix !

    Laurène Levy

    Le passager clandestin

    2023


    Avec Mes trompes, mon choix !, Laurène Levy, journaliste spécialisée en santé,  s’intéresse à la stérilisation volontaire comme méthode de contraception émancipatrice. La stérilisation est légale depuis 2001, pourtant elle reste taboue et difficile à obtenir, surtout pour les femmes. Pourquoi la stérilisation a-t-elle si mauvaise réputation ? Pourquoi le corps médical se montre-t-il réticent et violent ? En quoi peut-elle être au contraire un outil d’émancipation ? Voilà un ouvrage documenté et utile pour s’informer, et qui m’a particulièrement intéressée dans la mesure où j’ai su très jeune que je ne voulais pas être mère.

    « Si une femme de 50 ans est forcément passée à côté de sa vie si elle n’est pas mère, un homme de 50 ans qui n’est pas père a sûrement réussi sa vie autrement1. »

    « Pourquoi tu ne veux pas d’enfant ? »  

    « T’es jeune, tu changeras d’avis ! »

    « Tu vas le regretter, ton horloge biologique tourne ! » 

    « T’as pas encore rencontré la bonne personne pour faire des enfants ! » 

    « T’as un problème à régler avec tes parents : va voir un·e psy ! » 

    « Pense aux femmes qui sont stériles ! » 

    Lorsqu’on dit qu’on ne veut pas d’enfant, les questions, les jugements, l’incompréhension et le mépris fusent. Mais demande-t-on aux personnes qui ont des enfants de justifier leur choix ? Leur demande-t-on si elles le regrettent ? Les ventres des femmes sont-ils interchangeables ? Vu les enjeux de la parentalité, il y aurait pourtant beaucoup de questions à se poser ! Et vu l’impact de la grossesse et de la parentalité sur la vie des femmes, les questions sont tout à fait légitimes !

    Nous serions environ 5 % de personnes en France à ne pas vouloir d’enfant. Les raisons sont multiples et propres à chacune, mais voici les miennes, qui se sont accumulées depuis 20 ans.

    Dans notre société qui a érigé la « famille nucléaire » en modèle et le travail comme valeur centrale, élever un enfant est aussi bien un défi qu’un sacrifice. S’occuper d’un être fragile et dépendant durant de longues années est une énorme charge mentale et physique, et une source incommensurable d’angoisses. Or, ma vie est déjà bien remplie, je ne veux pas sacrifier mon sommeil, mon temps de lecture, d’écriture, de militantisme, de sport, et la vie sociale que j’ai choisie.

    Avoir un·e enfant, c’est me semble-t-il une manière très frontale d’entrer dans le système capitaliste et consumériste. On consomme beaucoup, on dépense beaucoup, on calcule beaucoup (et avec quel argent ??). On se plie à des horaires particulièrement stressants, à des contraintes et des exigences qui relèvent de l’acrobatie. À moins de vivre dans une communauté ou dans une famille élargie, on entre dans le système de garde d’enfant, des rythmes scolaires (la rentrée des classes, les vacances qui justifient la hausse des prix des trains et des locations), du cycle des fêtes (les cadeaux de Noël, les fêtes des mères et des pères, les spectacles de fin d’année…). En fait, le système nous force perpétuellement à jongler entre la vie professionnelle, la vie personnelle et la vie de famille, à gratter de maigres interstices pour passer du temps en famille, les week-ends et les soirs en semaine. Et je ne veux pas de cette vie-là !

    Avoir un·e enfant, c’est donner la vie à un être humain qui sera, malgré tous nos efforts, formaté par la société capitaliste, écocidaire, raciste, spéciste, validiste. Après l’inévitable formatage du système scolaire et de l’entourage, cet·te enfant deviendra un·e adulte précaire et prolétaire qui devra trimer toute sa vie pour survivre, iel devra vendre sa force de travail pour payer son loyer et assurer ses besoins vitaux. C’est un être humain qui, vraisemblablement, manquera d’eau et de nourriture dans les décennies à venir. Et je ne veux pas infliger ça à qui que ce soit.

    Avoir un·e enfant dans un couple hétéro, c’est consolider le sexisme et le patriarcat. Même si l’on est en couple avec une personne éveillée à ces problématiques, la pression sociale, le poids de la charge mentale et de l’éducation genrée sont très fortes. On est irrémédiablement réduites, à un moment ou un autre, à un rôle de mère.

    Il y a 20 ans, je n’avais pas de modèle de personne ayant décidé de ne pas avoir d’enfant. Mais qu’importe si je suis la seule femme âgée et sans enfant de mon entourage. Je serai mon propre modèle ! Et jusqu’à présent, j’ai été bien entourée, car mon choix, qui est l’un des premiers choix conscients de ma vie, le plus profond, le plus sincère, le plus évident, a rarement été mis en cause.

    « La décision de ne pas avoir d’enfant n’est jamais considérée comme définitive dans notre société2. »

    Laurène Levy, qui est aussi « libre d’enfant » par choix, dresse un état des lieux de la stérilisation : en France, la stérilisation volontaire ne concerne que 4,1 % des femmes et des hommes transgenres (stérilisation tubaire) et 0,8 % des hommes et des femmes transgenres non opérées (vasectomie). En fait, la stérilisation est rarement proposée parmi les différents moyens de contraception. L’autrice parle d’une « norme contraceptive » française : au début de la vie sexuelle, on nous conseille plutôt les préservatifs, puis, lorsqu’on se met en couple hétérosexuel monogame, on nous dirige vers la pilule, puis vers le DIU (dispositif intra-utérin) ou l’implant contraceptif. 

    Mais peu d’info sur la stérilisation ! Pourtant, depuis 2001, toute personne majeure peut y avoir recours, même si elle n’a jamais eu d’enfant. Pour les femmes en particulier, obtenir la stérilisation volontaire relève d’un parcours de la combattante ! Car nombreux·ses sont les soignant·es qui se montrent réticent·es à informer les patientes sur ce moyen de contraception et à y procéder. Il s’agit donc de violences gynécologiques, parmi toutes celles qu’on retrouve dans Le Chœur des femmes de Martin Winckler.

    Mais pourquoi la stérilisation volontaire est-elle si mal vue, surtout chez les femmes ?

    « L’utérus n’est pas là par hasard, il n’est pas là pour être vacant, au boulot mesdames3. »

    Ainsi que le dit Françoise Héritier, la maternité a longtemps été notre seule fonction, la seule raison de notre existence. Dans la société française marquée par la misogynie de Napoléon Bonaparte, et plus récemment par les politiques pronatalistes du début du XXe siècle, les femmes doivent en effet devenir mères pour être accomplies. Dans l’entre-deux-guerres et après la seconde guerre mondiale, les familles ont reçu pléthore d’aides financières pour encourager la procréation et repeupler le pays de sa main-d’œuvre et de sa chair à canon.

    Le poids de la religion catholique est aussi très prégnant : tout comme la contraception, la stérilisation volontaire tend à rendre impossible la procréation, ce qui est une violation de la loi morale. Toute entrave à la transmission de la vie a longtemps constitué un crime.

    « Accepter qu’une femme choisisse la stérilisation comme contraception, c’est accepter qu’elle se dissocie volontairement de sa fonction reproductrice. C’est accepter qu’une femme qui a enfanté décide à un moment de sa vie qu’elle ne veut plus porter d’enfant. C’est aussi accepter qu’une femme existe par elle-même, à part entière, avec ou sans enfant. C’est, enfin, mettre au terme au symbolisme qui associe encore et toujours la femme et la mère. Et ne plus condamner celles qui choisissent un autre chemin que celui de la maternité4. »

    « Chaque fois qu’il y a un contrôle de la population, cela conduit à des violences contre le corps des femmes5 » (Kavitha Krishnan, militante féministe)

    À l’échelle mondiale, la stérilisation est plus répandue, mais elle est aussi souvent forcée. À travers l’histoire et les pays, la stérilisation a été un outil de contrôle des populations, en particulier des populations racisées et colonisées. On pense d’emblée à l’eugénisme durant l’Allemagne nazie qui a procédé à la stérilisation forcée des personnes atteintes d’un handicap physique ou mental, des délinquant·es, des homosexuel·les, des tsiganes, des juif·ves… Des campagnes de stérilisation massives ont été mises en place en Inde, au Canada sur les autochtones, ainsi qu’en Chine avec la politique de l’enfant unique et la stérilisation des Ouighour·es (qualifiée de « génocide démographique6 » par Adrian Zenz)… 

    Des politiques malthusiennes ont aussi été mises en place dans les territoires français colonisés : je vous invite à lire Le Ventre des femmes de Françoise Vergès sur la stérilisation forcée des femmes réunionnaises dans les années 1960 et 1970. Et jusqu’en 2016, les personnes transgenres devaient se faire stériliser pour obtenir le changement de leur identité administrative…

    « Que ce soit en Inde, en Chine ou au Pérou, on remarque toujours une dissymétrie entre les stérilisations forcées masculines et féminines. Globalement, les femmes ont payé un plus lourd tribut que les hommes en matière de stérilisations coercitives. Elles sont dans la majorité des cas les principales victimes de ces actes forcés. Pourquoi ? Parce que les femmes sont considérées comme des sujets à risque puisque ce sont elles qui tombent enceintes. Et qu’il était “simple», au détour d’un avortement ou d’un accouchement par césarienne, de ligaturer les trompes le plus souvent à l’insu des principales concernées, souvent pauvres, souvent issues de minorités ethniques7. »

    Mon avis : « Un enfant si je veux, quand je veux ! »

    Mes trompes, mon choix !, écrit par Laurène Levy et édité par les éditions indépendantes le passager clandestin, est un ouvrage important, car le droit à la contraception est sans cesse remis en question, dans le monde entier. Comme toujours, les ouvrages des éditions du passager clandestin sont bien structurés, clairs, pédagogiques, et la maquette est l’une des plus confortables que je connaisse !

    L’objectif de l’autrice est de présenter la stérilisation, son histoire, sa charge symbolique, ses enjeux, les procédures, et d’en revendiquer la portée émancipatrice, comme pour tout autre moyen de contraception. Plusieurs pistes sont soulevées pour simplifier l’accès à la stérilisation, à commencer par la formation du personnel soignant et un meilleur accès à l’information pour celles et ceux qui souhaitent se faire stériliser. 

    Au même titre que la contraception et l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la stérilisation relève du droit de chacun et chacune à disposer de son corps. La stérilisation est une façon de se libérer de l’injonction à la parentalité, elle dissocie une bonne fois pour toutes la reproduction et la sexualité, elle permet de vivre librement, sans craindre une grossesse non désirée.

    Les débats autour de la contraception et de la stérilisation sont aussi l’occasion d’interroger la charge reproductive qui repose essentiellement sur les femmes. Il est vital que les femmes gardent le contrôle de leur corps, mais la contraception masculine est un levier fondamental pour sortir la sexualité et la (non-)parentalité de la case « affaires de bonnes femmes8 ». Et dans la mesure où la stérilisation masculine (vasectomie) est une opération plus simple et moins lourde que la stérilisation féminine (tubaire), les hommes pourraient y avoir davantage recours et porter, eux aussi, cette charge reproductive

    Vu mon parcours, je pourrais tout à fait vouloir entamer une procédure de stérilisation, mais cet ouvrage m’a confortée dans le choix de ma contraception : l’implant contraceptif que j’ai adopté depuis dix ans est moins invasif, et surtout, contre toute attente, avec 99,9 % d’infertilité, il est plus efficace que la stérilisation ! En effet, j’ai été très surprise de lire qu’une femme sur 200 ayant eu recours à la stérilisation tombait enceinte dans l’année suivant l’opération chirurgicale, car la ligature des trompes (la méthode la plus employée en France) ne fonctionne pas toujours.

    Et vous, est-ce que vous voulez des enfants ? Est-ce que vous auriez aimé ne pas en avoir ? Est-ce qu’un·e professionnel·le de santé vous a déjà orienté·e vers la stérilisation ?

    Lisez aussi

    Essais

    Françoise Vergès Le Ventre des femmes

    Élise Thiébaut Ceci est mon sang

    Rozenn Le Carboulec Les Humilié·es

    Davy Borde Tirons la langue

    Pauline Harmange Moi les hommes, je les déteste

    Coral Herrera Gomez Révolution amoureuse

    Françoise Héritier Masculin/Féminin 1

    Mathilde Larrère Rage against the machisme

    Pauline Le Gall Utopies féministes sur nos écrans

    Christelle Murhula Amours silenciées. Repenser la révolution romantique depuis les marges

    Valérie Rey-Robert Une culture du viol à la française

    Nora Bouazzouni Faiminisme. Quand le spécisme passe à table

    Julia Serano Manifeste d'une femme trans

    Littérature

    Martin Winckler Le Chœur des femmes

    Virginie Despentes Baise-moi

    Erika Nomeni L'Amour de nous-mêmes

    Toni Morrison Beloved

    Dorothy Allison Deux ou trois choses dont je suis sûre

    Emma Goldman Vivre ma vie 

    Illustrés

    Léa Castor Corps à cœur Cœur à corps 

    Cualli Carnago L’Histoire d’une huître 

    1. Page 122. -2. Page 17. -3. Page 121. -4. Page 17. -5. Page 84. -6. Page 95. -7. Page 89. -8. Page 110.

     

    Mes trompes, mon choix !

    Stérilisation contraceptive : de l'oppression à la libération

    Laurène Levy

    Préface de Martin Winckler

    le passager clandestin

    2023

    208 pages

    18 euros

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  • l'assommoir zola bibliolingus

    L’Assommoir

    (tome 7 des Rougon-Macquart)

    Émile Zola

    1876

     

    C’est avec beaucoup de joie que je vous parle aujourd’hui de L’Assommoir, mon Zola préféré à ce jour ! Mais ce n’est pas parce que c’est un classique, et probablement l’un des plus grands romans ouvriers, que je vais me permettre de spoiler celles et ceux qui ne l’ont pas (encore) lu !

    « Les gens du quartier ne se montraient guère justes, quand ils lui reprochaient les vilaines façons [que Gervaise] prenait, car son malheur ne venait pas d’elle1. »

    Gervaise Macquart, âgée de 22 ans, vient d’arriver à Paris avec son compagnon Lantier, 26 ans. Gervaise, c’est la petite fille boiteuse qu’on voit dans La Fortune des Rougon (tome 1), née d’Antoine, un fainéant alcoolique, et de Joséphine (dite Fine), un peu alcoolique aussi mais très travailleuse et sensible.

    Lorsque Gervaise et Lantier s’installent à Paris, sur le boulevard de la Chapelle, juste en face de l’hôpital Lariboisière alors en construction, dans le quartier de la Goutte-d’Or, iels ont déjà deux enfants2  : Claude, âgé de 8 ans (qu’on a vu dans Le Ventre de Paris, le tome 3, et qu’on reverra dans L’Œuvre, le tome 14) et Étienne, 4 ans (qu’on reverra dans Germinal, le tome 13). 

    Seulement quelques semaines après leur arrivée, Lantier part avec une voisine, et leur relation se termine dans un grand fracas. En femme courageuse et résolue, Gervaise ne veut plus d’homme dans sa vie, elle veut sérieusement assurer ses finances avec ses deux enfants à nourrir. Elle devient alors blanchisseuse chez Mme Fauconnier, caressant le rêve d’une vie simple, et pourquoi pas un jour de s’établir comme une vraie petite bourgeoise et devenir patronne de sa propre blanchisserie. Une jeune mère seule et indépendante à cette époque, ce n’est pas commun.

    Mais voilà que le voisin du dessus, l’ouvrier zingueur, commence à lui tourner autour…

    Mon avis

    J’ai adoré relire L’Assommoir, que j’avais lu une première fois en 2004, lorsque j’avais 16 ans. C’est, pour le moment, le Zola que je préfère. J’ai savouré, encore plus que dans les autres romans, la puissance de ses descriptions, la finesse psychologique, les lents glissements des états d’esprit et des relations entre les personnes, le langage populaire délicieux, l’intimité et la proximité que procure le discours indirect libre.

    L’un des talents de Zola, c’est de bâtir une structure, une armature très forte, mathématique (jusqu’à l’obsession), faite de parallèles, de miroirs, sans que cette armature ne soit visible et écrasante, et sans rien enlever à la puissance des sentiments, des émotions, et à la simplicité de cette histoire.

    Mais cette relecture a été très tout à la fois délicieuse, parce que j’adore l’univers, la démarche, et le style de Zola, et douloureuse, parce que l’histoire de Gervaise est absolument terrible. Son histoire me pousse à m’interroger sur ma propre vie : où serai-je dans dix ans, dans vingt ans ? Serai-je contente de ma vie, quand je regarderai tout ce que j’ai été et ce que j’ai fait ?

    La condition ouvrière

    L’Assommoir est le premier roman sur la condition ouvrière des Rougon-Macquart. C’est un véritable roman de mœurs, préparé à partir de 1869, c’est-à-dire pendant les grandes grèves ouvrières et durant la Commune de Paris.

    L’Assommoir met en scène le Paris ouvrier des années 1850-1870, au moment où la mécanisation commence à menacer l’existence des petit·es ouvrier·ères. Iels travaillent dans des petits ateliers disséminés dans tout Paris (à l’instar de la forge de Goujet) ou de chez elleux pour le compte de patrons (comme les Lorilleux qui fabriquent des chaînes dans leur mansarde).

    C’est tout un peuple qui vit dans la misère, se tuant à la tâche pour quelques sous, 6 jours sur 7, avec des journées de 10 à 12 heures, dès l’âge de 10 ou 12 ans. Pas de sécurité sociale, pas d’assurance chômage, pas de retraite, pas de congés payés. Arrêter de travailler revient à mourir dans le dénuement absolu, comme le père Bru qui ne peut compter que sur la mendicité et la générosité de Gervaise pour subvenir à ses besoins, car ses enfants sont morts à la guerre. C’est dire l’importance des grandes luttes de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle !

    Le roman est très noir, quitte à forcer un peu le trait, car, chez Zola, il s’agit toujours d’utiliser l’intrigue et les personnages pour illustrer une classe sociale et le déterminisme social. Pour lui, les causes de la pauvreté, ses rudesses et ses « vices », sont à chercher dans la société, pas dans les individus. Zola est certes un bourgeois, mais il a vécu plusieurs années dans des quartiers pauvres, peuplés d’artisan·es et d’ouvrier·ères, et, comme pour tous ses romans, il s’est beaucoup documenté. Il a connu la pauvreté, jusqu’au succès de L’Assommoir justement, qui est le premier best-seller du XIXe siècle, malgré les attaques de la bourgeoisie puritaine.  

    On a coutume de dire que ses personnages principaux vivent une ascension suivie d’une descente aux enfers, et Gervaise en est l’un des exemples les plus frappants de la série. Tous ses romans sont habilement construits dans ce sens, chapitre par chapitre, mais, honnêtement, dans L’Assommoir, tout semble mal barré dès le début !

    L’Assommoir a pour objet central l’alcoolisme, présenté comme le seul exutoire accessible et quasi fatal pour la classe miséreuse, et il l’illustre terriblement dans le personnage de Coupeau, mais il ne faut pas oublier que l’alcoolisme est présent dans ses autres romans qui mettent en scène l’aristocratie, la bourgeoisie ou la petite bourgeoisie (par exemple Bachelard dans Pot-Bouille).

    Mais il y a aussi le plaisir de la nourriture, cet autre vice qui traverse toutes les classes sociales : dans La Curée aussi, on assiste à une véritable orgie chez l’empereur Napoléon III. Dans L’Assommoir, les pauvres aussi font leur banquet, jusqu’à la nausée, du moins tant qu’il y a de l’argent à dépenser…

    La condition féminine

    De tous les Rougon-Macquart que j’ai lus jusqu’à présent (il m’en reste encore quelques-uns à découvrir), le personnage de Gervaise est l’un des plus attachants. Elle le dit, son seul défaut est d’être sensible et généreuse, et c’est ce qui la perdra. Elle pardonne tout à son mari, quitte à mettre son ménage dans la galère. Elle donne à manger aux pauvres qui passent devant chez elle, à l’instar du père Bru ; elle recueille sa belle-mère abandonnée par ses propres enfants ; elle rend visite à sa voisine, âgée de 8 ans, qui s’occupe comme une petite mère de ses frère et sœur et subit les violences de son père. Enfin, elle se laisse dévorer par les gens les plus cupides et les plus paresseux de son entourage. C’est finalement très féminin de se plier aux désirs des autres mais jamais aux siens.

    L’Assommoir illustre comment la pauvreté peut mener aux violences conjugales et familiales, et comment une femme galère à trouver son autonomie financière (je pense à la scène où les femmes attendent leur mari à la sortie de l’atelier pour récupérer leur paie avant qu’elle ne soit dépensée en alcool). Mais je pense tout de même que le roman aurait pu être encore plus fort s’il avait pris davantage en compte les problématiques féminines, à une époque où l’avortement était illégal et où la contraception n’existait pas. Vu que Zola prend soin de raconter avec minutie les métiers ouvriers, on aurait pu aussi y voir comment les blanchisseuses lavaient les linges en période de règles ! 

    La vie à Paris, 150 ans avant que j’y vive

    J’ai éprouvé d’autant plus de plaisir à relire L’Assommoir que ça fait dix ans que je vis à Paris, à 1 km de la Goutte-d’Or, le quartier de Gervaise ! Grâce à l’exploration et à l’observation minutieuse de Zola, on peut suivre précisément le parcours de Gervaise et retrouver des rues, des lieux, des enseignes qui existent encore de nos jours. À l’époque, avant que Zola ne découvre l’appareil photo, il passait des heures à faire du repérage, dessinant des plans et rédigeant les descriptions des bâtiments et des gens pour alimenter son œuvre. 

    Mais, au-delà de la puissance picturale, cinématographique, L’Assommoir est aussi une source passionnante de la vie quotidienne. On est au début des grands travaux du baron Haussmann, le préfet de la Seine de 1853 à 1870. Vers la fin du roman, Gervaise se désole des travaux incessants, transformant son quartier au point qu’elle ne le reconnaît plus.

    Haussmann démolira nombre de bâtiments et de rues pour organiser la ville autour des grands boulevards que l’on connaît aujourd’hui, avec l’objectif affiché de pouvoir faire entrer la garde nationale dans les larges rues de Paris en cas de révolution ouvrière, et ainsi mieux contrôler la population. Il démolira aussi les abattoirs parisiens et le mur des fermiers généraux (mur de l’octroi) que Gervaise a côtoyé toute sa vie. Ces destructions et constructions feront le bonheur des spéculateurs, à l’instar d’Aristide Saccard, dans La Curée (tome 2).

    En parallèle, les travaux d’Haussmann incluent la construction des égouts, car la ville commence à être ensevelie par les excréments des humain·es et des chevaux (le métro est alors en projet). D’ailleurs, dans L’Assommoir, les odeurs de la ville semblent bien plus fortes qu’elles ne le sont aujourd’hui, où tout est beaucoup plus aseptisé. Tout cela m’évoque Le Ventre des villes, le livre passionnant de Carolyn Steel.

    Aux côtés de Gervaise, on a également une idée du coût de la vie, des horaires de travail, du contenu des repas, des rituels de la vie de la classe ouvrière parisienne. Et l’écart est saisissant avec les grand·es bourgeois·es des tomes 1, 2, 6 ou 18, qui peuvent claquer des milliers de francs par mois, tandis que Gervaise dépense tout juste quelques sous par jour pour acheter du pain. Décidément, il y a des choses qui n’ont pas changé.

    l'assommoir zola édition de 1969 bibliolingusL'édition de mes parents (1969)

    Du même auteur

    Tome 1, La Fortune des Rougon

    Tome 2, La Curée

    Tome 3, Le Ventre de Paris

    Tome 4, La Conquête de Plassans

    Tome 5, La Faute de l'abbé Mouret

    Tome 6, Son excellence Eugène Rougon

    Tome 15, La Terre

    Lisez aussi

    Littérature

    ♥ Dorothy Allison L'Histoire de Bone

    ♥ Dorothy Allison Retour à Cayro (200e chronique)

    Virginie Despentes Baise-moi

    Anna Dubosc La Fille derrière le comptoir

    Richard Krawiec Dandy

    Iain Levison Tribulations d'un précaire  

    Thierry Maricourt Le Cœur au ventre

    ♥ Jean Meckert L'Homme au marteau

    Essais

    Paul Ariès Écologie et cultures populaires

    Collectif En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté

    Christophe Deltombe Un job pour tous. Une autre économie est possible : l'expérience Emmaüs

    ♥ Selim Derkaoui et Nicolas Framont La guerre des mots. Combattre le discours politico-médiatique de la bourgeoisie

    Récits

    Daniel Schreiber Le Dernier Verre

    Florence Aubenas Le Quai de Ouistreham

    Jean-Pierre Levaray Je vous écris de l'usine

     

    1. Page 301. -2. En fait 3, Jacques ayant été ajouté dans la généalogie après coup, et qui sera le personnage central dans La Bête humaine, tome 17.

     

    L’Assommoir

    (tome 7 des Rougon-Macquart)

    Émile Zola

    Introduction de Jacques Dubois

    1876

    Garnier-Flammarion

    1969

    448 pages

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    6 commentaires
  • baise-moi virginie despentes bibliolingus

    Baise-moi

    Virginie Despentes

    Grasset

    1999

    Traumavertissement : violences physiques et sexuelles.

     

    Baise-moi, le premier livre publié par Virginie Despentes, a défrayé la chronique ! Et pour cause, il est effectivement très trash, cru, sordide et immoral, aussi bien dans les actes que dans le langage. J’ai pourtant dévoré ce road-trip de deux femmes aux abois, dont la vie a tout pour désespérer, et qui pourtant se fendent bien la gueule. En quoi est-il dérangeant ? Chronique garantie sans spoil majeur !

    « Moi, tu sais, tant que c’est pas du sperme avarié qu’on m’envoie dans le fond, je supporte à peu près n’importe quoi1. »

    Manu et Nadine ne se connaissent pas, pourtant elles ont beaucoup de choses en commun : ce sont deux femmes pauvres, précaires, foncedées, esseulées, désespérées et travailleuses du sexe.

    Nadine, passionnée de punk-rock et plutôt réservée, se prostitue. Quant à Manu, ancienne actrice porno, « braillarde et débraillée2 », est excessive, excentrique, impudique, vulgaire.

    Très vite, l’une et l’autre se retrouvent en cavale…

    « Manu aime bien ce qui dépasse, tout ce qui dérape la fait rigoler. Elle a les envies larges et déplacées. Et la baise, c’est bien tout ce qu’elle a trouvé qui mérite encore un détour et quelques efforts3. »

    « T’oublies pas qu’on est une équipe hors pair. On essaie de passer. Au moins, on leur fout un bordel sans précédent. Mais on se rend pas4. »

    Lorsqu’elles se rencontrent, c’est la fusion. Désormais, l’une et l’autre ne se sentent plus seules, elles forment une équipe face à l’adversité, face à la police, face au monde entier. Leur amitié est instantanée, évidente, intime, inconditionnelle.

    Ensemble, elles iront jusqu’au bout. Mais, surtout, en se marrant, comme elles ne se sont jamais marré de leur vie.

    « [Nadine] prend sa main dans la sienne, elle a honte de son geste en même temps qu’elle le fait. Sauf que Manu mélange tout de suite ses doigts aux siens, et tient sa paume serrée à en faire péter les articulations. Nouées, crispées l’une dans l’autre. Invincibles, même si elles n’ont pas une seule chance5. »

    « Putain, quelle chance on a, on est en train de rattraper toute une vie en quelques jours6. »

    Durant leur cavale, Manu et Nadine n’ont plus aucun état d’âme. Elles improvisent, à rebours d’une société lissée, mesurée, calculée. Toutes les digues sociales et morales sautent. Elles se défoncent, elles baisent, elles volent, elles tuent. Elles se marrent plus que jamais, elles ont plein d’argent et plein de pouvoir.

    « J’attraperais bien un surfer blond, lui coller mon gun sur la tempe et qu’il me lèche le clit pendant que je regarde les clips7. »

    Toutes ces années à subir leur vie, désormais elles décident de leur destin. Elles ne sont plus des victimes. Elles sont puissantes et libres, elles ont une « sexualité d'hommes » (King Kong Théorie). Curieusement, ce qu’elles font permet à Nadine d’être enfin en accord avec elle-même : toutes les angoisses qu’elle a ressenties toute sa vie, pour tout et rien, se trouvent désormais justifiées par sa nouvelle vie de hors-la-loi.

    « Il y a toujours eu cet espace entre [Nadine] et les gens, ce quelque chose de terrible qu’elle avait peur qu’ils découvrent et c’était ridicule puisqu’elle n’avait rien à cacher. Maintenant elle a de bonnes raisons de craindre leurs indiscrétions, de bonnes raisons pour trouver leur amabilité déplacée8. »

    Mon avis

    J’ai dévoré Baise-moi, le premier livre publié par Virginie Despentes, même s’il est dérangeant. Ce roman est effectivement très trash, cru, sordide et immoral, aussi bien dans les actes que dans le langage. Elles vivent par tous les orifices. 

    Leur violence semble gratuite, elles n’hésitent pas une seule seconde, elles n’ont pas peur, elles n’ont pas de remords. Mais on comprend que leur parcours les a amenées à se défouler : le désespoir, la pauvreté, le manque d’issue légale pour sortir de la pauvreté. Tout dans les descriptions respire la misère et la crasse. Elles renvoient d’un coup, dans tous les sens, sans discernement, les violences qu’elles ont avalées durant toute leur vie, si bien qu’on n’est même pas dans le registre de l’autodéfense (ce qu’Elsa Dorlin nomme le dirty care), de la vengeance ou de la justice réparatrice. Comme elles se savent sacrifiées par la société, elles prennent toutes les libertés que l’Etat infantilisant et totalitarisant leur interdit. Elles savent qu’elles sont en bas de l’échelle sociale, qu’elles n’ont aucune valeur dans la société, sauf là, durant leur cavale, où les médias se font volontiers le relais de leurs crimes… 

    Manu et Nadine parlent depuis les pauvres, les esseulé·es, les précaires, les moches, les racisé·es, les inadapté·es, celleux qui s’emmerdent, celleux qui n’ont aucun horizon, celleux qui sont trop raides pour prendre des décisions dans leur vie, celleux qui ne peuvent pas faire la révolution, ni même l’imaginer depuis leur trou.

    « En fait, c’est un peu tous les coups qu’ont mal tourné. Tous ces trucs que tu tentes de faire et jamais rien ne réussit. Ça me fait penser au conte de la petite sirène. L’impression d’avoir consenti un énorme sacrifice pour avoir des jambes et te mêler aux autres. Et chaque pas est une douleur intolérable. Ce que les autres font avec une facilité déconcertante te demande des efforts incroyables. Arrive un moment où tu lâches l’affaire9. »

    Leur rire est politique : elles ne se font jamais d’illusion sur le dénouement de leur cavale, si bien que, jusqu’au bout, elles en profitent à fond. Elles se prennent des grosses barres de rire, elles n’ont jamais autant ri de toute leur vie merdique. Elles sentent qu’elles n’ont pas « l’émotion adéquate10 », car elles devraient être terriblement angoissées et ne plus pouvoir dormir. 

    « S’exclure du monde, passer le cap. Être ce qu’on a de pire. Mettre un gouffre entre elle et le reste du monde. Marquer le coup. Ils veulent quelque chose pour la première page, elle peut faire ça pour eux11. »

    Outre la violence démesurée, Manu et Nadine ont un rapport à leur corps bien particulier. Manu dédramatise les violences sexuelles, elle supprime la sacralité et la pureté conférées au corps des femmes, et du même coup, le pouvoir des hommes sur les corps des femmes. Si son vagin n’est plus sacré, alors les violences que celui-ci subit ne sont plus des violences, et les hommes ne peuvent plus la soumettre en la violant. C’est ce que théorisera plus tard Virginie Despentes dans son essai-récit King Kong Théorie (chronique à venir).

    Quant à la prostitution, Nadine la prend pour ce qu’elle est : un travail rémunéré qui lui permet de maîtriser un peu sa vie et de conserver une indépendance financière et matérielle. Nadine ne voit pas pourquoi elle fournirait gratuitement ce service à un mari qui l’exploiterait toute sa vie et à l’infini. Virginie Despentes ne semble pas faire l’apologie de la prostitution : le roman n’occulte ni l’état de dissociation qui se produit lors de rapports sexuels non désirés, ni les aspects sordides de la prostitution (les clients qui ne se lavent pas, qui ont des demandes étranges ou qui se montrent violents). Mais, pour Nadine, la prostitution paraît plus intéressante que de travailler en tant que caissière ou femme de ménage. Et, pour celles et ceux qui sont sans diplôme ou au chômage depuis longtemps, qui sont sorti·es du « marché du travail », on peut imaginer que la prostitution est une option viable.

    Dans Baise-moi, presque tout le monde en prend pour son grade. Manu et Nadine se lâchent sur les gens qui ont des « toutes petites idées, rabougries12 », les gens prétentieux, banals (à l’instar de Séverine), étroits d’esprit, superficiels, coincés ou hypocrites.

    « [Séverine] se compose également une série de références culturelles qu’elle choisit comme ses accessoires vestimentaires : selon l’air du temps, avec un talent certain pour ressembler à sa voisine. Elle s’entretient donc la personnalité comme elle l’entretient l’épilation du maillot13. »

    Manu et Nadine se lâchent sur les hommes violents, possessifs, qui se croient supérieurs,  intelligents et virils, et sur les normes sexistes qui obligent les femmes à se surveiller perpétuellement. 

    « Le cul du mec monte et descend, blanc avec des boutons rouges et quelques poils noirs. [...] Il a les cheveux gras et les dents pourries sur le devant14. » 

    Elles se lâchent sur les gens de gauche qui se la jouent, qui font de grands discours sur la révolution, et qui prennent de haut les plus précaires alors que ces dernier·ères ont déjà assez à faire pour survivre jusqu’au lendemain.

    « [L’étudiant de gauche] a l’esprit borné et très peu inventif, la mémoire encyclopédique des gens privés d’émotion et de talent, persuadé que donner des noms et des dates exactes peut tenir lieu d’âme. Le genre de type qui s’en tient au médiocre et s’en tire assez bien, bêtement né au bon endroit et trop peureux pour déconner15. »

    On retrouve le concept de feminist gaze d’Azélie Fayolle : c’est un roman écrit du point de vue de femmes, de ce qu’elles vivent et subissent, avec une volonté de rendre collectif un parcours singulier.

    Est-ce que vous l’avez lu ? Est-ce que vous avez aimé ?

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    2016

    288 pages

    8,40 euros

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    1. Page 47. -2. Page 126. -3. Page 58. -4. Page 188. -5. Ibid. -6. Page 192. -7. Page 123. -8. Page 140. -9. Page 200. -10. Page 122. -11. Page 181. -12. Page 58. -13. Pages 14-15. -14. Page 63. -15. Page 38.

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