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    Purge

    Sofi Oksanen

    Éditions Stock

    2010

     

    En un mot

    En 1992 en Estonie, Aliide, une vieille dame, trouve la jeune Zara dans son jardin, terrorisée et sale. Leurs parcours personnels, mêlés à l’histoire terrible de l’Estonie du XXe siècle, sont impressionnants. Un roman que j’ai dévoré en un temps record et dont j’ai gardé en mémoire des images très fortes.

    « Êtes-vous sûre, camarade Aliide1 ? »

    1992, Estonie. Un matin, une vieille femme, Aliide découvre une jeune fille au fond de son jardin. Zara est recroquevillée, les cheveux sales et les vêtements en lambeaux. Elle semble terrorisée, voire avoir perdu la raison. Aliide la fait entrer chez elle et lui donne du pain, mais elle se montre très méfiante. C’est qu’il y a des voleurs dans les parages et le procès de restitution des terres d’Aliide n’est pas terminé.

    Zara commence à raconter son histoire – un mari violent dont elle se serait échappée. Mais Aliide reste sur ses gardes : son accent estonien est étrange, un peu suranné. D’où vient-elle vraiment ? Et pourquoi Aliide vit-elle seule à la campagne ? Pourquoi est-elle si dure et froide envers une très jeune fille sans défense ?

    Rencontre avec le livre

    S’il m’a fallu une cinquantaine de pages pour entrer dans l’histoire, j’ai dévoré les 380 pages suivantes en un weekend ! Il faut donc passer outre les premières scènes qui semblent peu annonciatrices et prévoir du temps libre. Les parcours de ces deux femmes sont impressionnants, mais c’est surtout celui d’Aliide qui m’a profondément marquée.

    Cela fait quelques semaines que j’ai terminé le livre mais je reste saisie d’effroi par ce que la vie en Estonie a dû être au XXe siècle. Tantôt rattaché·e·s à la Russie, puis à l’Allemagne, puis de nouveau à l’empire soviétique, les Estonien·ne·s ont dû aller dans le sens du vent pour se protéger, c’est-à-dire suivre l’idéologie dominante pour sauver leur peau. Mais celles et ceux qui ont trop clamé leur collaboration avec les nazi·e·s ont ensuite été envoyé·e·s aux camps de travail forcé sous la dictature soviétique.

    Sur une trentaine d’années, Sofi Oksanen nous fait sentir comment chacun·e se protège de ses propres émotions et de celles des autres, comment on en vient à faire des choix personnels forts seulement par stratégie de survie. Elle fait sentir les traumatismes tus, les regards discrets, les mains qui tremblent, les sentiments refoulés.

    Avec l’histoire de Zara, Sofi Oksanen montre également le début de l’époque post-soviétique. Avec l’effondrement de l’URSS est venu le temps du consumérisme et du capitalisme érigés en modèles de la réussite sociale. Et dans le sillage de ce capitalisme, l’illusion que tout le monde peut réussir sa vie, aller en Europe de l’Est et être riche.

    « Zara se souvenait de ces Volga, qui roulaient toujours si vite et s’élançaient tous feux éteints. À présent, Oksanka en avait une pareille. Et son propre chauffeur. Et des gardes du corps. Et des boucles en or avec de gros diamants. Des dents blanches2. »

    J’ai été très marquée par l’épisode d’Aliide qui se met à faire des rideaux pour cacher l’existence de Hans ; des valises toujours prêtes en cas de départ précipité ; des collants, symboles de l’Occident, de la richesse et de la réussite… Des images fortes me sont restées en mémoire, d’une époque soviétique hallucinante, incroyable, qui a façonné des esprits d’une manière bien différente de l’Europe de l’Ouest. Je suis aussi impressionnée par la vitesse du capitalisme à s’emparer des anciens territoires soviétiques.

    J’adore lire les histoires de l’ex-Union soviétique, c’est une période qui me fascine et m’horrifie, et l’Estonie est témoin des horreurs du XXe siècle. Si c’est votre cas aussi, alors foncez !

    De la même autrice

    Les Vaches de Staline Sofi Oksanen

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    1. Page 192. 2. Page 49.

    Purge
    (Puhdistus, traduit du finnois par Sébastin Cagnoli)
    Sofi Oksanen
    Le Livre de poche
    2012
    432 pages
    7,60 euros

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  • Commentaires

    1
    Mardi 23 Mai 2017 à 13:03
    Alex-Mot-à-Mots

    Un roman très fort, une lecture marquante.

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