• Coucou !

    À l’occasion de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteurice le 23 avril, je vous propose une sélection de 8 ouvrages pour une édition indépendante !

    1. L’histoire du livre

    Une histoire de l'édition contemporaine Elisabeth Parinet Bibliolingus   Une autre histoire de l'édition française Jean-Yves Mollier Bibliolingus  
    Lire le résumé. Lire le résumé.  

    2. L’indépendance face à Hachette et Editis

    L'édition sans éditeurs André Schiffrin Bibliolingus    La trahison des éditeurs Thierry Discepolo Bibliolingus
    Voir ma chronique.   Voir ma chronique.

    3. Enjeux et pratiques de l’édition indépendante

    pour aboutir à un livre eric hazan bibliolingus   L'édition indépendante critique Sophie Noel Bibliolingus
    Lire le résumé.   Voir ma chronique de la première édition (2012).

    4. La précarité dans l’édition

    les nouveaux intellos précaires rambach bibliolingus     correcteurs et correctrices entre prestige et précarité guillaume goutte bibliolingus
    Voir ma chronique. Voir ma chronique.

     

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  • abolir la contention mathieu bellahsen bibliolingus

    Abolir la contention

    Mathieu Bellahsen

    Éditions Libertalia

    2023


    La contention en psychiatrie, qui consiste à attacher les patient·es lors des crises, est une privation de liberté, une torture, un traumatisme, et elle entraîne parfois la mort. Dans cet ouvrage accessible et émaillé de récits émouvants, le psychiatre Mathieu Bellahsen explique qu’il faut abolir cette pratique au profit d’une relation thérapeutique fondée sur le consentement et le droit des patient·es à s’autodéterminer. Qu’est-ce que ce « système contentionnaire » dit du corps médical et, plus largement, de notre société ? Qu’est-ce qu’un vrai soin thérapeutique ? Voilà un ouvrage intéressant sur un sujet mal connu, silencié, et pourtant essentiel, à l’heure où les sociétés érigent de plus en plus de murs partout dans le monde.

    « [La contention] est souvent vécue comme un traumatisme voire comme l’équivalent d’une agression physique, d’une agressions sexuelle ou d’un viol1. »

    Dans cet ouvrage, Mathieu Bellahsen explique qu’il faut abolir la contention mécanique en psychiatrie, qui consiste à attacher les patient·es par des sangles à un lit durant leurs crises, et/ou à les enfermer en chambre d’isolement.

    En France, 85 % des services psychiatriques ont recours à la contention. Chaque année, 10000 personnes sont attachées. Cette pratique est réapparue dans les années 2000 alors qu’elle avait été abandonnée après les atrocités de la seconde guerre mondiale. Depuis 2016, elle est encadrée par la loi, donc légitimée, mais seulement en « dernier recours ». Pourtant, la contention se généralise de plus en plus (et le confinement pour le Covid a été un prétexte supplémentaire pour y recourir) : aux urgences, dans les EHPAD, dans les structures pour personnes en situation de handicap, dans les ambulances…

    La contention relève tout simplement de la torture ! C’est une privation de liberté. Je n’ai jamais été en institut psychiatrique, mais j’imagine qu’elle ne fait qu’aggraver les souffrances des patient·es. Les personnes qui témoignent disent que c’est déshumanisant et traumatisant, autant qu’une agression physique ou sexuelle

    La contention tue par asphyxie positionnelle, comme la pratique du placage ventral dans la police (voir La Domination policière de Mathieu Rigouste).

    « [La personne psychiatrisée] n’a pas d’autre issue que d’accepter ce qui est attendu d’elle : qu’elle s’allonge et se laisse faire. Corps à corps pétri d’intimidation. Si la personne refuse, se débat, se révolte, l’action se transforme en corps à corps physique. Les corps de professionnels, le corps de la personne à contentionner. Derrière cette première scène s’en joue une autre entre le corps psychiatrique et les corps psychiatrisés, entre un corps qui domine et des corps dominés. Entre les deux, le poids du système contentionnaire2. »

    « La contention n’est pas un soin mais une mesure de contrôle3. »

    La contention est présentée comme un soin thérapeutique visant à « calmer » les patient·es et à les empêcher de se blesser. Elle est surtout une solution de facilité pour le personnel soignant, qui manque de temps et de moyens pour gérer les situations de crise. 

    Pour le personnel soignant, c’est un moyen de dealer avec la peur, l’angoisse d’être agressé·e par un·e patient·e, de ne pas avoir à faire face à la souffrance d’autrui et à ses propres difficultés psychiques. Pour supporter ces conditions de travail inhumaines, le personnel soignant en contact direct avec les malades se blinde, refoule la honte et la culpabilité, manifeste de l’indifférence ou justifie la contention en rejetant la responsabilité sur les patient·es qui ne sont pas dociles. Ces maltraitances banalisées, silenciées, légalisées, font souffrir les patient·es et le personnel soignant, tandis que la direction reste bien au chaud dans ses bureaux aseptisés, loin des drames humains.

    « Quand la contrainte et la domination structurent les relations, les institutions ont recours à des légitimations intellectuelles, à des rationalisations structurelles pour travestir une situation abusive en un état de fait objectif, objectivable, naturel et allant de soi4. »

    « Les thérapeutes sont des seconds au combat, combat que mène la personne en souffrance pour se reconstruire un monde habitable5. »

    Mathieu Bellahsen nous interroge sur ce qu’est véritablement le soin. On ne peut pas se contenter de contentionner et de médicamenter les patient·es sans chercher à comprendre le sens de leurs « catastrophes existentielles ». Les solutions technologiques de court terme, comme la vidéosurveillance ou les applis d’e-santé mentale, ne résoudront pas les problèmes plus profonds ; elles se contentent d’une gestion comportementale, sans considération humaine et émotionnelle. Le traitement des effets reste superficiel, les problèmes ne feront que resurgir d’une manière ou d’une autre.

    Mathieu Bellahsen défend la relation thérapeutique avant tout : ça consiste à échanger avec la personne en souffrance, à l’accompagner, l’aider à traverser et comprendre sa crise existentielle, à « redevenir le sujet de sa vie et de son histoire6 ». Mais, pour le·la soignant·e, cela demande de s’impliquer personnellement dans la relation, de se rapprocher physiquement et mentalement de la personne soignée. Par exemple, il défend une pratique sans blouse et sans bureau qui créent une hiérarchie, une domination, qui ne sont pas compatibles avec le soin thérapeutique. La guérison ne peut advenir qu’avec le consentement de la personne.

    Le soin thérapeutique tel que Mathieu Bellahsen le défend demande aussi du temps et davantage de personnel, à l’heure où l’institution psychiatrique, comme tous les services publics, voit ses moyens et ses budgets diminuer, et doit répondre à des logiques de productivité

    Il est possible de faire sans contention et sans enfermement : en augmentant le nombre de centres médicaux-psychologiques (CMP), en recrutant davantage de soignant·es et en les formant à d’autres pratiques, comme l’enveloppement (packing) qui est déjà utilisé pour les personnes autistiques.

    Face à l’augmentation des pratiques de contention, qui s’inscrivent dans ce que l’auteur appelle la « culture de l’entravement », un mouvement sans précédent s’est créé depuis 2018 autour de la dignité d’accueil pour les personnes soignées en psychiatrie. Plusieurs associations agissent, comme l’association Neptune, Le Fil conducteur psy et Collectif schizophrénies, à partir des premières personnes concernées : les malades.

    Mais, même si le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et le conseil de l’Europe se sont positionnés pour l’abolition de la contention, le gouvernement et les hautes sphères du milieu médical ne prennent pas de mesures pour changer le fonctionnement de l’institution psychiatrique…

    « Comme l’indiquent les témoignages et les enquêtes sur le vécu des personnes attachées, la contention est l’anti-soin par excellence en ce qu’il traumatise, voire retraumatise, les personnes qui y sont soumises. Si la personne est sous contrôle et calmée, il faudra déployer ensuite des trésors de patience et d’intelligence pour réparer ce qui a été brisé avec les sangles7. »

    Mon avis

    Je voulais absolument lire cet ouvrage car mon ex travaille dans un service psychiatrique d’urgence qui ne pratique pas la contention. Je découvrais à l’époque que cette pratique archaïque existe encore, et j’apprends avec la lecture de cet ouvrage qu’elle est même en augmentation !

    Facile d’accès et émaillé de récits émouvants, Abolir la contention de Mathieu Bellahsen, publié par les éditions indépendantes Libertalia, pose notre regard sur un sujet mal connu, silencié, et pourtant essentiel.

    Lisez aussi

    Martin Winckler Le Chœur des femmes

    Cara Zina Handi-Gang

    Amanda Eyre Ward Le Ciel tout autour

    Léa Castor Corps à cœur 

    Sante Notarnicola La révolte à perpétuité

    Abolir la contention. Sortir de la culture de l’entrave

    Mathieu Bellahsen

    Éditions Libertalia

    2023

    216 pages

    10 euros

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  • Pot-Bouille Zola Bibliolingus

    Pot-Bouille

    (tome 10 des Rougon-Macquart)

    Émile Zola

    Éditions Georges Charpentier

    1882

     

    Encore une fois, je me suis régalée avec Pot-Bouille, le tome 10 des Rougon-Macquart ! Cette fois, il utilise le registre de la comédie dramatique pour tailler un costard à la bourgeoisie et petite bourgeoisie parisienne du Second Empire (1851-1870) et dénoncer l’antagonisme des classes. Mais, au-delà de cette critique acerbe, c’est surtout la violence envers les femmes qui a retenu toute mon attention.

    « Eau et gaz à tous les étages, mon cher1. »

    Octave Mouret, 22 ans, quitte sa ville natale de Plassans (tome 4) pour s’installer à Paris. Grâce à Campardon, un ami de ses parents, il obtient une chambre dans un immeuble récent et cossu dans la rue de Choiseul, dans le 9e arrondissement, près du futur Opéra Garnier. 

    Campardon, qui y habite lui-même, lui fait la visite de tous les étages. Il répète à l’envi que les familles qui vivent dans l’immeuble sont respectables, honnêtes, éduquées. Tant et si bien qu’on se permet très vite d’en douter…

    Octave est prévenu : il lui est interdit de ramener des femmes...

    « La cour s’enfonçait, triste et propre, avec son pavé régulier, sa fontaine dont le robinet de cuivre luisait. Et toujours pas un être, pas un bruit ; rien que les fenêtres uniformes, sans une cage d’oiseau, sans un pot de fleurs, étalant la monotonie de leurs rideaux blancs. Pour cacher le grand mur nu de la maison de gauche, qui fermait le carré de la cour, on y avait répété les fenêtres, de fausses fenêtres peintes, aux persiennes éternellement closes, derrière lesquelles semblait se continuer la vie murée des appartements voisins2. »

    « C’était une paix morte de salon bourgeois, soigneusement clos, où n’entrait pas un souffle du dehors3. »

    Avec Octave, le fil rouge du roman, on s’introduit dans la vie intime des familles de l’immeuble, liées entre elles par M. Vabre, le vieux propriétaire de l’immeuble. Autour du grand escalier d’une « sévérité bourgeoise4 », c’est toute une « pot-bouille » qui se livre : au XIXe siècle, ce terme désigne une cuisine ordinaire de maison, l’équivalent de la « popote » aujourd’hui.

    Mais on se rend vite compte que, derrière l’apparence respectable, chaste et calme, les bourgeois·es se déchirent, manigancent tout le temps pour obtenir l’héritage du père, négocier des mariages juteux, prendre des amant·es…

    « Moi, lorsque j’ai eu vingt sous, j’ai toujours dit que j’en avais quarante5… »

    Il y a Mme Josserand qui crève d’ambition, de jalousie et d’humiliation. Elle rêve de donner de grosses réceptions comme les Duveyrier, avec un piano et un chœur, mais doit se contenter de son mari trop honnête pour être carriériste et chercher l’argent où il se trouve. 

    Pour paraître plus riches qu’iels ne le sont, les Josserand vivent au-dessus de leurs moyens. De belles robes, de beaux meubles, quitte à manger chichement tous les jours !

    Mme Josserand est prête à tout pour trouver un bon parti à sa fille Berthe. Elle la traîne de réceptions en réceptions, la pousse dans les bras de tous les jeunes hommes bourgeois, en prétendant avoir une dot de 50 000 francs…

    « Mais, avant tout, veille sur ta fille, écarte d’elle le mauvais air, tâche qu’elle garde son ignorance6… »

    À l’image de Berthe, les femmes de la bourgeoisie ont pour seule perspective de trouver un bon parti, un mari riche et bien placé. Aucun mariage ne naît de l’amour, ils sont le fruit de tractations et de mensonges.

    Une jeune fille de la bourgeoisie doit être vierge, pure, inculte et coupée du monde extérieur. Dans cette « éducation de poupée7 », elle doit se garder de lire des romans qui pourraient exciter son esprit et d’écouter les conversations des adultes qui pourraient lui donner de « mauvaises idées ». 

    « Alors, par phrases brèves, [Mme Vuillaume] dit son plan d’éducation. L’honnêteté, d’abord. Pas de jeux dans l’escalier, la petite toujours chez elle, et gardée de près, car les gamines ne pensent qu’au mal. Les portes fermées, les portes closes, jamais de courants d’air, qui apportent les vilaines choses de la rue. Dehors, ne point lâcher la main de l’enfant, l’habituer à tenir les yeux baissés, pour éviter les mauvais spectacles. En fait de religion, pas d’abus, ce qu’il en faut comme frein moral. Puis, quand elle a grandi, prendre des maîtresses, ne pas la mettre dans des pensionnats, où les innocentes se corrompent ; et encore assister aux leçons, veiller à ce qu’elle doit ignorer, cacher les journaux bien entendu, et fermer la bibliothèque8. »

    C’est très explicite : pour survivre, pour devenir une « femme du monde9 », les femmes n’ont d’autre choix que de se marier, de se livrer à une « prostitution décente et permise10 » auprès de leur mari, ce qui contraste finalement peu avec Nana (tome 9). 

    Une fois mariées, elles doivent se soumettre à leurs devoirs conjugaux, cette « abominable corvée11 » à laquelle elles ne peuvent échapper, même si, comme Clotilde, son mari boutonneux la répugne. 

    « L’histoire entière de son mariage [celui de Berthe] revenait, dans ses phrases courtes, lâchées par lambeaux : les trois hivers de chasse à l’ homme, les garçons de tous poils aux bras desquels on la jetait, les insuccès de cette offre de son corps, sur les trottoirs autorisés des salons bourgeois ; puis, ce que les mères enseignent aux filles sans fortune, tout un cours de prostitution décente et permise, les attouchements de la danse, les mains abandonnées derrière une porte, les impudeurs de l’innocence spéculant sur les appétits des niais ; puis, le mari fait un beau soir, comme un homme est fait par une gueuse, le mari raccroché sous un rideau, excité et tombant au piège, dans la fièvre de son désir12. »

    « Quand un homme est brutal, c’est qu’il vous aime, et il y a toujours moyen de le remettre à sa place d’une façon gentille13… »

    Quant aux hommes, ils ne cessent de parler des femmes, qu’ils méprisent pourtant. Tous ces propriétaires, hommes d’affaires et hommes de loi, les veulent vertueuses et chastes, alors qu’eux-mêmes couchent à la moindre occasion. 

    « Et, si vous saviez, c’est poli, c’est frais, ça vous a une peau de fleur, avec des épaules, des cuisses pas maigres du tout, monsieur, rondes et fermes comme des pêches14 ! »

    Les femmes sont « expliquées, retournées, épluchées15 », traitées comme des bouts de viande, alors qu’eux sont moches, repoussants, malades. Certaines choses n’ont pas changé…

    « Vous êtes donc brutal comme les autres hommes, que rien ne satisfait, tant qu’on leur refuse quelque chose16. »

    Il y a ausi Octave lui-même, qui cherche une femme pour se trouver une bonne situation professionnelle, comme Léon avec Mme Dambreville. Octave est un jeune homme séducteur, cajoleur, mais manipulateur et brutal envers les femmes quand il s’agit de mettre en œuvre ses intérêts personnels. Probablement le plus gros queutard de tous !

    Octave trouve une place de commis dans la fameuse boutique de tissus Au bonheur des Dames, dont le succès éclatant et écrasant fera l’objet du tome suivant. Pot-Bouille est donc comme une intrigue préparatoire au Bonheur des dames qui a été écrit juste après !

    « Quand ils se sont craché à la figure, ils se débarbouillent avec, pour faire croire qu'ils sont propres17. »

    Mais, depuis l’escalier de service de cet immeuble cossu, il y a tout un monde que les bourgeois·es ignorent : les bonnes savent tout de la vie de leurs maîtres et maîtresses, elles se racontent tous les ragots. Dans la cour qui donne sur les cuisines des bonnes, c’est toute « une débâcle d’égoût, qui, chaque matin, se déversait là18 ».

    Les bourgeois·es méprisent les gens du peuple et nient toute leur humanité. Iels croient faire leur affaires et assouvir leurs « vices » dans la plus grande discrétion, comme si Adèle, Lisa, Françoise, n’avaient pas d’oreilles et d’yeux pour les observer. Elles ne sont bonnes qu’à cuisiner, faire le ménage — et se faire tirer un coup de temps à autre, sans jamais en assumer les conséquences.

    Mais le plus grand mépris des bonnes vient certainement de M. Gourd, le concierge : il hait profondément les gens de sa classe sociale qui ne s’en sortent pas comme lui. Maintenant qu’il n’a plus à larbiner pour le duc de Vaugelade, il ne se sent plus péter. « Tourmenté d'une rage d’ancien domestique, qui se fait servir à son tour19 », il se permet de traiter les rares ouvrier·ères locataires et Mme Pérou, la femme de ménage, comme des sous-merdes.

    « [L’abbé Mauduit] jetait une fois encore le manteau de la religion sur cette bourgeoisie gâtée, en maître de cérémonie qui drapait le chancre, pour retarder la décomposition finale20. »

    Et enfin, dans tout ça, il y a l’abbé Mauduit et le docteur Juillerat, qui observent cette « bourgeoisie gâtée21 ». L’abbé Mauduit, qui confesse tous ces gens, ne cesse de passer l’éponge sur leurs bassesses et leurs « vices », tandis que le docteur Juillerat, profondément anticlérical et républicain, renouvelle ses attaques contre la bourgeoisie et l’éducation bornée donnée aux jeunes filles.

    « Selon [le docteur Juillerat], la bourgeoisie avait fait son temps ; elle était un obstacle sur le chemin de la révolution ; depuis qu’elle possédait, elle barrait l’avenir, avec plus d’obstination et d'aveuglement que l’ancienne noblesse22. »

    Mon avis

    Pot-Bouille, le tome 10 des Rougon-Macquart, est le pendant de L’Assommoir, qui décrit avec compassion la misère dans un immeuble du quartier populaire de la Goutte d’Or.

    Au contraire, Pot-Bouille se moque ostensiblement de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie. Dans ce roman de mœurs (souvent comique, ce qui est peu habituel chez Zola), il décrit leur hypocrisie, leur frilosité, leur quotidien fade et mesquin, leur obsession du pouvoir, de l’argent et de l’héritage. À l’inverse de L’Assommoir, la plupart des personnages sont détestables, et pourtant, comme toujours, j’ai pris un grand plaisir à le lire. C’est tout le talent de Zola !

    Mais, au-delà de la critique acerbe de la bourgeoisie du Second Empire et de la violence des classes, qui sont déjà en soi des sujets capitaux dans l’œuvre de Zola, c’est surtout la description de la violence envers les femmes qui a retenu toute ma attention : les femmes bourgeoises ne peuvent exister que par leur capacité à faire des enfants, et les femmes prolétaires sont exploitées toute leur vie. C’est justement cette dénonciation qui donne à ce roman une dimension particulièrement intéressante.

    Encore une fois, je me suis régalée avec Pot-Bouille ! Pour tout dire, j’ai lu et relu certains passages avec délectation, et pris 20 pages de notes et de citations !

    Du même auteur

    Tome 1, La Fortune des Rougon

    Tome 2, La Curée

    Tome 3, Le Ventre de Paris

    Tome 4, La Conquête de Plassans

    Tome 5, La Faute de l'abbé Mouret

    Tome 6, Son excellence Eugène Rougon

    Tome 7, L'Assommoir

    Tome 8, Une page d'amour

    Lisez aussi

    Irène Némirovsky La Proie

    Irène Némirovsky Le Bal

    Irène Némirovsky Le Maître des âmes

    Jean Meckert Les Coups

    Pot-Bouille

    (tome 10 des Rougon-Macquart)

    Émile Zola

    Préface d'André Fermigier

    Éditions Gallimard

    Collection Folio classique

    2022 (1982 pour le premier dépôt légal)

    592 pages

    8,30 euros

     

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